On le qualifie de sexisme ordinaire ou inconscient. Il n’en est pas moins délétère. Des entreprises ont décidé de le combattre.
« Viens avec nous, tu seras notre atout charme » ; « Je tente de promouvoir les femmes, bien que les dossiers soient techniques » ; « Attention à ce que vous dites, messieurs, nous avons une dame parmi nous ». Ces phrases prononcées par des hommes et des femmes ont été collectées lors de journées de travail mêlant plus de 200 salariés (volontaires pour y participer) d’entreprises engagées au sein de #StOpE (Stop au Sexisme Ordinaire en Entreprise). Cette initiative, initiée par les trois directrices diversité et inclusion de EY, AccorHotels et L’Oréal France, a généré en décembre 2018 la rédaction d’un acte d’engagement signé par trente patrons de grands groupes. Son objectif : « unir nos forces pour faire émerger nos bonnes pratiques, que nous avons compilées dans un livret facilement duplicable. Car le sexisme ordinaire, inconscient la plupart du temps, a un impact fort sur la carrière des femmes et la crédibilité qu’elles s’accordent », commente Anne-Laure Thomas, directrice des diversités et de l’inclusion de l’Oréal France.
Qualifier de sexistes des phrases qui semblent anodines facilite la prise de conscience.
L’acte d’engagement comprend une déclinaison de huit actions concrètes ; chaque entreprise s’engage à en appliquer au moins une au cours de l’année qui suit sa signature. « Chez l’Oréal France, nos priorités sont l’application du principe de tolérance zéro, l’information, la formation et la diffusion d’outils pédagogiques. Concrètement, nous diffusons les phrases emblématiques du sexisme ordinaire sur tous nos écrans plats, nous valorisons également le rôle de témoin afin de faire évoluer les comportements. Qualifier de sexistes des phrases qui semblent anodines facilite la prise de conscience », détaille Anne-Laure Thomas.
Vers une prise de conscience
Le 12 décembre 2019, vingt entreprises signeront à leur tour l’acte d’engagement (ouvert progressivement à des grandes écoles et à des PME), l’occasion de faire un premier bilan des actions menées. L’aboutissement de tout un travail mené en collaboration avec Brigitte Grésy, experte des questions d’égalité et de sexisme au travail, nommée en juin 2019 présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle commente : « #Metoo a déchiré le voile et depuis deux ans les entreprises ont commencé à agir contre le sexisme, soit tout ce qui porte atteinte au respect d’un sexe y compris les blagues déplacées, les interpellations familières, les incivilités comme ne pas donner la parole à une femme dans une réunion, etc. ».
Et de citer une enquête CSEP/BVA publiée en novembre 2016 qui dévoile que 74 % des femmes non-cadres considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes et plus d’une femme salariée non-cadre sur deux estime avoir rencontré un frein dans sa carrière professionnelle parce qu’elle était une femme.
L’illusion que le combat féministe n’était plus à mener
Le problème est donc profond. Et pour le combattre, les outils ne manquent pas. Gloria est une toute jeune entreprise créée en avril 2019 par deux trentenaires, Florie Benhamou et Laura Lasry. Elles y organisent des ateliers de coaching collectif « pour aider les femmes à s’accomplir dans leur vie professionnelle et des ateliers d’éveil pour construire un monde plus égalitaire ».
A l’origine de leur envie d’agir, une prise de conscience : « Nées dans les années 80 […], nous avons grandi dans l’illusion que le combat féministe n’était plus à mener pour notre génération. Nous nous sommes éveillées et réveillées. […] Nous avons constaté l’ampleur, parfois terrifiante, du sexisme dit ordinaire dans tous les champs de la société », peut-on lire sur leur site. Gloria propose notamment une série de formations aux particuliers et aux entreprises « pour déconstruire les stéréotypes de genre et lutter contre des comportements relevant du sexisme inconscient », explique Florie.
Sandrine Ferrand, animatrice d’ateliers chez Gloria, en donne un exemple : « les moments de socialisation après le travail sont importants, car c’est là que se crée le réseau, que se développe le copinage, qu’on est informé des postes à pourvoir… Or, souvent, les femmes en sont exclues parce que l’on part du principe qu’elles doivent s’occuper de leurs enfants ». Mais aux dires des jeunes femmes, il y a de quoi être optimistes. « De plus en plus de femmes sont choquées par des remarques qui ne les auraient pas choquées il y a encore peu de temps, constate Florie. Cette prise de conscience constitue une bonne base pour faire évoluer les comportements au sein des entreprises ».