L’association lyonnaise aide des jeunes de banlieues à se tracer « une trajectoire de vie positive », selon son cofondateur et directeur Philippe Oddou. Des programmes d’incubation ont complété le volet sportif pour insuffler un esprit entrepreneurial. Financée à 75 % par du mécénat d’entreprise et des dons privés, Sport dans la ville participera aux JO de Paris 2024.
« Tout est toujours possible ». Voici l’adage de Philipe Oddou, cofondateur de Sport dans la Ville, à Lyon, en 1998, une association « dont l’idée originelle n’a pas changé aujourd’hui : venir en aide aux jeunes de quartiers dits difficiles, d’abord par le sport, outil de plaisir, de rencontres et d’épanouissement extraordinaire ». Grâce au sport, Philippe Oddou et son partenaire dans l’affaire, Nicolas Eschermann, rencontré sur les bancs de l’école de commerce lyonnaise EM Lyon, amènent ces jeunes vers l’insertion professionnelle, la formation, l’emploi et même la création d’entreprises.
22 ans plus tard, le bilan, d’un parcours qui est loin d’être terminé, est assez éloquent : Sport dans la ville emploie 250 salariés, dont 100 temps pleins et 150 personnes à tiers temps pour les activités sportives ; ses programmes d’incubation ont permis la création de 260 entreprises, dont une trentaine de PME, qui emploient entre 10 et 40 salariés. « Les entreprises se développent au-delà de ce que nous aurions imaginé, admet Philippe Oddou. Beaucoup de jeunes qui sont passés par nos activités et les incubateurs étaient au chômage. Ils ont créé leur propre emploi, une entreprise, le Graal inaccessible. »
« Aider ceux qui n’ont pas eu notre chance »
Tout commence donc par le sport. « Lorsque nous nous sommes rencontrés à EM Lyon avec Nicolas Eschermann, nous faisions beaucoup de sport ensemble. Issus d’un milieu social privilégié, nous avons imaginé une association pour aider des jeunes qui n’ont pas eu notre chance. Chacun a fait son chemin professionnel avant de nous retrouver quelques années plus tard, à Lyon. En marge de nos activités professionnelles, nous avons créé ce qui est aujourd’hui Sport dans la ville », relate Philippe Oddou qui quitte une banque d’affaires pour se consacrer à plein temps à ce projet.
Ils choisissent le modèle associatif « pour une finalité 100 % sociale, éducative et solidaire », en appliquant les outils de l’entrepreneuriat : « tout le monde travaille beaucoup, car nous sommes exigeants dans la qualité des prestations et des réalisations que nous proposons aux jeunes et à nos partenaires publics et privés ; chaque collaborateur connaît ses missions et ses objectifs pour aider nos jeunes à s’en sortir ». Un seul but pour Philippe Oddou : « que les jeunes trouvent le chemin de la réussite ».
Tous les mercredis et les samedis, près de 7 000 jeunes se retrouvent dans les 46 centres sportifs en pied d’immeubles. « Nous sommes attachés à l’idée de créer une activité là où se trouvent les jeunes. Sport dans la ville accueille les enfants à partir de 6 ans. Plus l’accompagnement commence tôt, plus les résultats sont intéressants sur le volet de l’insertion professionnelle. C’est aussi une façon de nouer très tôt des contacts avec les familles pour détecter les potentiels. »
Donner accès au monde de l’entreprise
D’un terrain de basketball aux bancs d’EMLyon, il semble n’y avoir qu’un rebond de ballon.
Sport dans la ville s’appuie sur deux programmes d’insertion professionnelle. Job dans la ville accompagne depuis 2007 plus de 1 800 jeunes par an dans l’orientation professionnelle, la formation et l’emploi. « Des salariés d’entreprises partenaires les parrainent et les coachent. Ils visitent des entreprises et dialoguent avec des professionnels. L’objectif est de leur donner accès au monde de l’entreprise. »
Entrepreneurs dans la ville est un programme d’incubation créé avec EM Lyon en 2008. « Les quartiers difficiles abritent des talents, mais peu de dispositifs d’accompagnement existent. Des jeunes porteurs d’un projet et d’une envie forte de créer une entreprise suivent un cursus académique de 4 mois full time sur le campus lyonnais d’EM Lyon et bientôt sur le campus parisien de la business school, pour construire leur business plan, charpenter leurs projets et apprendre les codes de l’entrepreneuriat. Un volet incubation suit les promotions de 25 jeunes pendant 2 à 3 ans. » Devant le succès à Lyon « ça marche, nos jeunes sélectionnés sont intelligents et apprennent vite », Entrepreneurs dans la ville a essaimé depuis 2018 dans d’autres villes où Sport dans la ville a des campus : à Paris donc prochainement avec EM Lyon, à Lille avec l’Université catholique, à Marseille avec Kedge ou encore à Grenoble avec GEM.
Enfin, L dans la ville est un programme transversal, sportif et insertion professionnelle voire création d’entreprises, qui s’adresse aux jeunes filles. « Trop peu de jeunes filles fréquentaient nos campus. On ne pouvait pas l’accepter. Notre objectif est d’aider, à égalité, les filles et les garçons », affirme Philippe Oddou.
« La réussite par la création d’entreprises est possible et accessible à tous. Ce ne sont ni les origines ethniques, raciales ou géographiques qui déterminent les potentialités entrepreneuriales d’un individu. On naît et on est entrepreneur ou on ne l’est pas », démontrent les deux fondateurs.
75 % de fonds privés
« 100 % de nos actions sont gratuites. C’est un choix. Sport dans la ville est reconnue d’intérêt général » explique Philippe Oddou. L’association est financée à 75 % par du mécénat d’entreprise, des dons de fondations ou de particuliers et à 25 % par des subventions publiques (accueil des campus sportifs par les mairies, financement des formations par les régions, conventions avec le ministère des Sports, soutien de la communauté européenne pour les programmes d’insertion professionnelle…). « Notre finalité, c’est l’emploi. La proximité avec le monde de l’entreprise est donc essentielle, d’où le fait qu’une part prépondérante de nos ressources vienne du monde de l’entreprise. »
Les projets visent deux grands caps : la Drôme et les JO de Paris 2024. Sport dans la ville engage un investissement de 6 M€ pour réhabiliter un bâtiment dans la Drôme en vue d’un faire, en 2022, son premier centre de vacances et de formation national. Ce centre drômois fait partie des trois engagements pris par Sport dans la ville dans sa participation à la dynamique des JO de Paris 2024. Ses deux autres concernent la création de 20 centres sportifs supplémentaires dans ses territoires de prédilection que sont Auvergne-Rhône-Alpes, l’Ile-de-France, les Hauts de France et PACA ; et l’implantation d’un campus, à l’image de son siège social de Lyon Vaise, en Seine-Saint-Denis en 2023.