Scop-Ti, anciennement Fralib, se rapproche peu à peu du point d’équilibre financier et c’est notamment à un modèle économique à double détente qu’elle le doit. Outre le développement de ses deux marques en effet, elle mise aussi sur le B to B, un segment en constante augmentation. Retour sur le parcours de ces 58 coopérateurs.
Cette année 2020 sera peut-être enfin celle de l’équilibre. Un pas victorieux de plus pour les coopérateurs de Scop-Ti, anciennement Fralib, usine officiant autrefois dans le giron d’Unilever. Des coopérateurs autrefois salariés de la multinationale anglo-néerlandaise qui ont entrepris, voilà 10 ans, de reprendre leur destin en main… C’est en effet à l’été 2010 qu’ils apprennent la décision de fermer leur usine de Gémenos, dont la production doit être délocalisée en Pologne. La résistance s’organise aussitôt pour sauvegarder l’emploi sur le territoire. Les locaux de leur usine sont occupés jour et nuit, pour empêcher le transfert des machines. La bataille judiciaire est désormais lancée contre le géant de l’agroalimentaire. C’est David contre Goliath certes, mais une fois n’est pas coutume, David remportera la main : le projet alternatif des Fralib sortira victorieux de ce bras de fer. Au bout de 1336 jours de lutte. 1336, le nom d’une marque qui se fraie peu à peu un passage sur les étals des grandes surfaces.
C’est donc la validation d’une autre vision de l’entrepreneuriat : le modèle de la Scop, portée par 58 coopérateurs. « Quarante-six d’entre eux ont été progressivement intégrés comme salariés, selon leur souhait. Aujourd’hui, nous sommes 40 à œuvrer à l’usine, puisque six ont fait valoir leur droit à la retraite », raconte le dirigeant, Olivier Leberquier. C’est aussi l’adhésion du consommateur à un positionnement antagoniste à celui d’Unilever : l’abandon des aromes artificiels. Et de fait, la réactivation de filières de production d’herbes aromatiques. « Dès 2013, nous commençons à travailler dans la Drôme et engageons une production militante de tilleul des Baronnies, avec quelques exploitants locaux. Il s’agissait de montrer que notre projet alternatif avait du sens, d’autant qu’Unilever nous accusait d’avoir détruit l’outil de production. » Et l’idée, c’est de mettre en place un millésime bio Tilleul des Baronnies, commercialisé sous la marque Scop-Ti bio. L’autre gamme, outre 1336. « L’année suivante, notamment grâce à l’élan des bénévoles dans la Drôme, nous ramenons 240 kg de tilleul. Nous faisons entrer chaque année de nouveaux producteurs. Certains n’ont que 20 ou 30 kg à proposer, mais on les prend pour les aider, on porte une certification collective. » Et chaque année, le tilleul des Baronnies pèse un peu plus de poids dans l’activité de Scop-Ti. Au final, c’est de la restructuration de toute une filière qu’il s’agit, à laquelle l’entreprise de Gémenos apporte sa part. Cela fait des émules. « Nous venons de recevoir un coup de fil de la CCI des Hautes-Alpes, ils nous sollicitent pour relancer la production d’herbes aromatiques, eux aussi. Nous organiserons une réunion prochainement pour en savoir davantage. »
B to B locomotive
Mais Scop-Ti, c’est aussi la mise en place d’un modèle économique à plusieurs détentes. Le premier pilier consiste donc dans le développement de leurs deux marques. Il y a 1336 distribuées en GMS, dont « le référencement avance dans les principales enseignes, mais pas assez vite à notre goût. Seul Auchan l’a fait au niveau national. Pour les autres acteurs de la grande distribution, il ne s’agit que de référencements régionaux. » Mais aussi la petite sœur, Scop-Ti bio, visant plutôt les circuits alternatifs, avec de belles entrées chez Biocoop.
Le second pilier, c’est le B to B, et donc le travail à façon. Et contre toute attente peut-être l’équilibre financier tant attendu viendra-t-il de cette activité, enregistrant une accélération des commandes depuis les débuts de la crise sanitaire et économique liée au Covid. « Le circuit militant a réduit ses achats pendant le confinement, la GMS et le circuit du bio ont continué à commander nos marques. » L’activité B to C est donc globalement restée stable, la surprise venant de la partie B to B. « Nous avons enregistré une demande assez forte, en hausse, sur les MDD, de l’ordre de deux à trois fois supérieures par rapport au niveau de commandes habituel. La grande distribution, touchée elle aussi par la crise, s’y est adaptée en donnant la priorité à la mise en rayon de ses propres marques. C’est en tout cas comme cela que nous l’avons interprété. C’est venu tellement soudainement que nos stocks sur ces produits ont été réduits à zéro. Au final, nous avons plutôt bien piloté les choses avec eux et nous avons pu répondre au plus près de leur demande. La GMS a été satisfaite et par ailleurs, toutes les enseignes ont joué le jeu, puisqu’elles ont tenu compte du contexte et n’ont pas appliqué de pénalités en cas de rupture de stock. » Le B to B prend donc de l’ampleur au sein de la Scop, œuvrant pour les enseignes Intermarché, Leclerc et Carrefour, mais pas que. Elle est également engagée dans un partenariat avec la Scop gersoise Etiquable. « Nous produisons à présent six références de thés et infusions pour sa marque Paysans d’ici, contre trois initialement, fin 2019. Nous travaillons également pour l’Agenaise Maison Taillefer et sa gamme Le Temps des cerises », se réjouit Olivier Leberquier, sous-entendant d’autres partenariats à venir.
Changement de nom sur le bio
Bien sûr, pour maintenir le volume de production, voire l’augmenter pour faire face aux commandes, il a fallu se réorganiser avec le Covid-19. « Nous avons commencé à prendre conscience dès le début du mois de mars qu’il fallait prendre des dispositions pour poursuivre la production. Nous avons décidé avec le collectif des conditions du maintien de l’activité. La priorité, c’était évidemment la santé des coopérateurs salariés. » Prise en compte de la situation familiale de ces derniers pour effectuer les rotations, identification avec le médecin du travail des lieux à risque dans l’usine, notamment les parties communes, ont notamment permis la mise en place des mesures de protection. « Nous arrêtons la production à 17 h et jusqu’à 18, l’équipe du soir se charge d’un nettoyage renforcé. Aux postes de production, nous avons une chance, c’est que l’entreprise a pu accueillir par le passé plus de 200 salariés. Aujourd’hui encore, nous n’utilisons que 10 à 20 % du parc. »
Tout cela n’empêche pas les coopérateurs de fonder sur l’avenir. Car des projets, il y en a. « Nous avons pour projet de basculer la gamme Scop-Ti bio en 1336 Bio en GMS. Parce que les consommateurs ne font pas le lien entre ces deux marques, ce qui induit un déficit de popularité. » Le nouveau packaging mettra davantage en avant l’origine France des produits. « Nous enrichirons la gamme de trois nouvelles références », annonce par ailleurs Olivier Leberquier. Soit 22 en 1336, 12 en 1336 bio et 5 au lieu de 9 en Scop-Ti bio, cette dernière perdurant dans les circuits alternatifs, à la demande de Biocoop. « Nous nous positionnons par ailleurs sur le vrac. Nous comptons pour l’instant 10 produits en 1336, il y en aura bientôt 5 ou 6 supplémentaires. »
Une stratégie gagnante qui permet à la Scop de réaliser une progression de 13,5 % sur le chiffre d’affaires depuis le début de l’année, par rapport à la même période en 2019, tous segments confondus.