Le fabricant de mobilier de camping et de jardin installé à Anneyron, dans la Drôme, depuis 1954, s’est construit sur le Made in France et la fabrication intégrée. Ses deux sites de production en Auvergne-Rhône-Alpes cultivent des compétences techniques et un sourcing de proximité qui lui permettent de traverser la crise. « La pertinence d’un tel choix stratégique est encore plus forte en ce moment », dit Arnaud Du Mesnil, son directeur général.
Maîtriser la conception et la fabrication de l’ensemble de ses produits en intégrant toute la chaîne de production. Tel est le parti pris de Lafuma Mobilier. « Une telle stratégie fait partie intégrante de l’histoire de l’entreprise, selon Arnaud Du Mesnil, son directeur général. C’est une conviction de long terme de conserver des sites industriels locaux et de sourcer le maximum de matières premières dans un rayon de moins de 150 km autour de nos usines. »
Lafuma Mobilier était, à l’origine dans les années 30, fabricant de sacs à dos à armatures métalliques, développés à la fois pour l’armée et pour l’alpinisme. Deux savoir-faire constituent ainsi le socle de l’entreprise : le travail du textile et la couture ; la maîtrise de l’aluminium et de l’acier. Ces deux compétences sont mises au service d’autres produits à partir des années 50, pour devenir l’entreprise actuelle, et à l’occasion de l’avènement des congés payés et du camping. « C’est à ce moment que les premières gammes de mobilier voient le jour en s’appuyant sur les deux métiers piliers et en se fournissant en local », souligne le directeur général de Lafuma Mobilier.
Depuis, la politique industrielle a peu évolué. Si ce n’est que l’intégration des métiers s’est poursuivie. Aujourd’hui, le site industriel drômois intègre, outre le travail du métal, des cabines de peintures, « étape cruciale pour allier style et qualité », dit la marque, des ateliers de couture et des espaces de montage. Le volet plasturgie a été intégré en 2003 par la croissance externe, en acquérant l’entreprise de 30 collaborateurs Lallemand, implantée à Balmay dans l’Ain. Au fil des années, l’entreprise est allée au bout du processus. « Les prochaines étapes pourraient être, pour une intégration encore plus forte, de remonter à la base des matières premières. Ce n’est, pour le moment, pas dans les projets de l’entreprise », selon le directeur général dont la société emploie 130 salariés à Anneyron.
Lutter contre l’obsolescence programmée
Les fournisseurs de Lafuma Mobilier se trouvent à moins de 150 km de ses sites. « Nos 15 fournisseurs principaux représentent 80 % de nos achats de matières premières », selon Arnaud Du Mesnil. Le fil de toile est fabriqué et tissé en Isère ; les peintures proviennent de Montbrison, dans la Loire ; les toiles Airlon sont tissées dans les Vosges et imprimées à Tarare, dans le Rhône. Quasi tous les fournisseurs sont implantés en Auvergne-Rhône-Alpes. « Une proximité de collaboration et géographique qui perdure. Même quand la mode était plutôt à la fabrication asiatique, nous avons toujours conservé notre fabrication régionale. » L’appel de la rentabilité à tout prix, en fabriquant à bas coût loin de ses bases, n’a donc pas atteint l’industriel. Il avance désormais fièrement ses labels EPV – Entreprise du patrimoine vivant et Origine France Garantie. « En fonction des pays, Lafuma Mobilier réalise 60 % de son chiffre d’affaires à l’export, ces labels peuvent présenter des avantages concurrentiels. Quoi qu’il en soit, et de plus en plus, les consommateurs achètent aussi l’histoire d’une entreprise », affirme Arnaud Du Mesnil.
Autres prérogatives de l’industriel : écoconcevoir et lutter contre l’obsolescence programmée. Tubes en métal d’un côté. Assise en tissu de l’autre. Les fauteuils Lafuma Mobilier peuvent être réparés si un de ses composants est usé ou cassé. Ou remis au goût du jour en changeant simplement la toile. « Le désassemblage des produits est intégré dès la création et la conception », écrit la marque dont le design et le développement produit sont aussi intégrés. « Nous enregistrons cependant un très faible taux de retour du fait de la qualité des matières premières choisies. La durabilité est notre maître mot », selon Arnaud Du Mesnil. En amont, comme en aval.
Bascule positive de la crise
Une telle organisation nécessite des investissements réguliers : « Près de 1 M€ chaque année depuis notre création, pour maintenir notre capacité industrielle locale, réduire notre empreinte écologique, nos consommations énergétiques, s’appuyer sur de nouvelles technologies comme la 3D, se doter d’une supplychain performante… », détaille Arnaud Du Mesnil. Et les innovations sont imaginées en fonction des ressources internes et proches de ses usines. « Une charte Design for the environment fixe un cadre, mais pas de limites. Un cadre vertueux qui nous a, par exemple, amenés à réduire le nombre de nos références. L’industrialisation de nos gammes s’adapte au savoir-faire à notre disposition. On apporte toujours plus avec les mêmes compétences, voire moins d’énergies ou de matières premières. »
En 2020, Lafuma Mobilier devrait réaliser 43 M€ de chiffre d’affaires, « en croissance de 3 à 4 % », selon son directeur général. Le modèle industriel semble résilient en temps de crise. Une croissance qui devrait se maintenir dans les années à venir, à l’heure où la population cherche à donner du sens à ses achats et à miser sur le bien-être chez soi. « On attend vraiment une bascule positive de la crise que nous traversons. Les familles se rapprochent de la maison et consommeront davantage de mobilier in et outdoor. Nous commençons à sentir les premiers effets de cette tendance. Les opportunités sont d’autant plus importantes pour une entreprise comme la nôtre qui produit localement alors que le Made in France est fortement valorisé », analyse Arnaud Du Mesnil.