L’association créée à Lyon par trois dirigeants, Guillaume Bourdon, Laurent Pillot et Thierry Rueda, permet à des jeunes de reprendre contact avec le milieu professionnel en participant à la fabrication d’une ligne de meubles designés avec des chutes de matières premières nobles. Ce projet vertueux est imaginé pour être dupliqué au sein de menuiseries comme les Ateliers Garnier de Thierry Rueda, mais aussi pour d’autres secteurs d’activités dont les déchets pourraient être valorisés.
« En 2019, notre première année d’exercice plein, l’association La ligne vertuose a accueilli 27 jeunes en stage. Tous étaient déscolarisés. Ils ont repris goût au travail et se sont montrés fiers des tâches accomplies au sein des Ateliers Garnier, à Beynost. A la suite de cette expérience, 25 d’entre eux ont trouvé un CDD ou un CDI. Ils ont bénéficié de près de 20 000 € pour financer des formations opérationnelles. » Guillaume Bourdon dresse un premier bilan de ce projet lancé officiellement fin 2018 par trois dirigeants rhônalpins, alors qu’il était testé depuis près de deux ans.
Tout part d’un constat : les menuiseries, en général, produisent 20 à 25 % de chutes de matières premières, des matériaux nobles. Leur évacuation ou leur valorisation coûtent cher à l’entreprise. Lorsque Guillaume Bourdon, designer, et Laurent Pillot, consultant, associés d’Ergon’Homme à Lyon, se penchent sur la question de ces chutes, il en sort des produits nouveaux à fabriquer au sein de la menuiserie. Les Ateliers Garnier, dirigés par Thierry Rueda, sont prêts à mettre leur outil de production et leur savoir-faire à la disposition de ce nouveau concept. Et la réflexion de ces trois dirigeants va bien plus loin : ce mobilier designé par Guillaume Bourdon peut être conçu au sein des Ateliers Garnier par des jeunes en rupture auxquels l’entreprise et ses partenaires apportent une nouvelle planche de salut. « Avec l’association Le Prado, implantée dans le Rhône et qui accompagne des enfants, des jeunes et des adultes pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle, nous décidons de prendre des jeunes de 16 à 20 ans en stage au sein de la menuiserie. Ils participent à la fabrication de pièces de mobiliers utilisant ces fameuses chutes. 25 % du prix du meuble est reversé au financement de la formation du jeune » détaille Guillaume Bourdon.
Ces jeunes en rupture de ban apprennent les premiers gestes d’un métier, découvrent la vie de l’entreprise, « pour certain, c’est leur première expérience en entreprise », y sont considérés comme les autres salariés, travaillent pour financer un projet… Bref, ils retrouvent un chemin qui peut les conduire à se tailler une nouvelle vie et de nouvelles perspectives.
Des meubles signés par les jeunes
Du temps et de la volonté. Voilà les principaux ingrédients de La ligne vertuose. Chacun des trois dirigeants met son savoir-faire bénévolement à la disposition de l’association. Guillaume Bourdon a écoconçu une gamme personnalisable avec cinq dimensions de pièces, selon différents jeux de calepinage pour mettre en valeur les chutes et leurs couleurs. Près de 150 produits, finalement tous uniques et signés par le jeune qui est intervenu sur la pièce, ont été fabriqués via ce concept porté par La ligne vertuose, « soit près de 6 tonnes de matières premières valorisées », selon ses initiateurs. Bureaux, tables, fauteuils, mange-debout, étagères, bibliothèques, luminaires… L’imagination du designer a fait son œuvre. « Les clients sont principalement des entreprises, qui adhèrent aussi à la démarche sociale et sociétale du projet », affirme Guillaume Bourdon.
Les Ateliers Garnier ont également investi du temps. Les salariés de Thierry Rueda s’impliquent auprès des jeunes en stage pour transmettre les gestes. « Les collaborateurs se sentent aussi valorisés. » L’entreprise a également fait un prêt de 100 000 € pour créer une ligne de production, au sein de son site, dédiée à La ligne vertuose.
« Par les engagements de nos entreprises, nous souhaitons montrer qu’un tel projet peut dégager une marge, mise au bénéfice de l’aide de jeunes, et que le modèle associatif, avec des entreprises investies à ses côtés, peut être rentable sans subventions publiques », dit Guillaume Bourdon, adepte, comme ses partenaires de La ligne vertuose de la légende du colibri popularisée par Pierre Rabhi.
Dupliquer à d’autres secteurs d’activité
Dès la naissance de l’idée, les trois dirigeants l’ont imaginée pour la dupliquer. « On s’appuie beaucoup sur le travail effectué au sein des Ateliers Garnier, car notre objectif est clairement d’essaimer le modèle », affirme Guillaume Bourdon. Tout est donc consigné et observé : la manière de gérer les chutes de matières premières, l’accueil des stagiaires, les rôles des collaborateurs des entreprises, le cycle de vente des nouveaux produits… « Nous essayons de formaliser un atelier idéal qui ne perturbe pas les lignes de fabrication classique des entreprises accueillantes. L’idée est de concevoir une sorte de sous-atelier dans l’entreprise, consacré à la valorisation d’un projet local pour aider des jeunes en proximité. »
Plusieurs secteurs d’activité pourraient être partie prenante d’un tel projet social et sociétal. « Nous sommes en lien avec des professionnels de l’aluminium, mais aussi des électriciens ou encore des industries textiles. Tous ont des chutes avec lesquels nous pourrions concevoir d’autres produits », envisage Guillaume Bourdon.
Pour une large diffusion du concept, les modèles de meubles créés par La ligne vertuose sont libres de droits. L’open source vise à permettre à tout atelier de menuiserie partout en France de reproduire le projet en s’associant à une structure d’insertion.
Le modèle validé en Auvergne-Rhône-Alpes commence d’ailleurs à intéresser : Bpifrance et la Fondation Emergences soutiennent le développement de La ligne vertuose.