Handicap et diversité mais aussi sexisme, comment lever les tabous dans l’entreprise ? C’est le job de David Herz, cofondateur de Tell me the Truffe, la première agence de communication et de formation spécialisée sur ces sujets souvent épineux pour les entreprises.
Vous êtes le cofondateur de Tell me the truffe, quelle est la spécificité de l’agence ?
TELL ME THE TRUFFE est la 1re agence de communication dédiée aux sujets de la diversité et de l’inclusion en France : handicap, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, prévention du harcèlement et des comportements sexistes, orientation sexuelle, intergénérationnel…
Pourquoi ce nom ?
Justement pour entamer le dialogue sur nos sujets ! (sourire) Pour prouver que l’on peut aborder tous nos sujets avec un peu de légèreté et de simplicité, mais aussi pour affirmer notre conviction : celle qu’en dialoguant honnêtement et sincèrement dans l’entreprise, on peut rapidement trouver des solutions pragmatiques qui conviennent à tous ; à l’employeur, comme au salarié. Et puis, la « truffe » symbolise aussi le flair ; les bonnes idées créatives.
Comment et pourquoi vous est venue l’idée de cette agence ?
Elie SIC-SIC (mon associé) et moi-même avons toujours travaillé dans de grandes agences de communication (Ogilvy, Publicis, Lowe Stratéus pour Elie ; Havas-Euro RSCG et TMP pour moi) en combinant des engagements associatifs et un intérêt pour les sujets de la diversité et de l’inclusion. Nous avons la conviction qu’en France les mentalités n’ont pas évolué aussi rapidement que le cadre légal. La communication sert justement à cela. Regardez, dans le passé, à quel point des messages simples tel que « Les antibiotiques, c’est pas automatique » ou « Celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas » ont permis de faire évoluer rapidement des comportements pourtant bien ancrés ! À notre échelle, c’est ce que nous tentons de faire.
Pourquoi les entreprises font appel à vous ? Quel profil ont-elles ?
Nos clients sont très variés. Ce sont des entreprises (Crédit Agricole Ile-de-France, ENGIE, ESSILOR, Française des jeux, Nocibé ou des entreprises de taille intermédiaire…), des organismes paritaires (Atlas OPCO, OETH…) des administrations (Conseil Général du Doubs, Université Côte d’Azur…), des associations (ARPEJEH, la Nouvelle Forge…) comme des Fondations (Fondation pour l’Audition).
Pourquoi font-ils appel à nous ? Ils seraient certainement mieux placés que nous pour vous répondre ! Nous essayons en tout cas de les aider à aborder ces sujets parfois un peu tabous avec simplicité, pédagogie, positivisme… sans jamais perdre de vue qu’ils n’intéressent pas leurs salariés de prime abord ! Cela rajoute un challenge que nous aimons relever. Notre double expertise à la fois de nos sujets et de la communication nous aide énormément en la matière.
Quels types de dispositifs mettez-vous en place ? Comment travaillez-vous ?
Nous créons des jeux, des campagnes d’affichage, des guides, des films, des évènements… Des petites animations à distance ou en entreprise aux campagnes TV : nos interventions sont très différentes les unes des autres. Pour chaque projet, nous faisons appel aux expertises créatives ou techniques les plus pertinentes au sein de notre réseau. Chaque projet est géré et piloté par Elie ou moi-même ; c’est-à-dire une personne expérimentée, qui tente de guider nos clients.
Nous proposons, à nos clients des dispositifs que nous avons créés et personnalisons pour leur compte comme T’HANDI QUOI ? Quel Collègue Etes-Vous ? Handivoice…. Nous créons également des campagnes sur-mesure print, digitales, évènementielles ou même, plus récemment TV comme cette campagne de prévention de la perte auditive que nous venons de créer pour la Fondation pour l’Audition
Les entreprises sont-elles aujourd’hui plus sensibles aux problématiques du handicap et de la diversité qu’auparavant ?
Oui, indéniablement. Mais il ne faut pas se leurrer : le cadre légal a créé le déclic. Sans l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, l’obligation de publier son index d’égalité professionnelle, la pénalisation du harcèlement ou l’obligation pour l’employeur de prévenir les comportements sexistes, nous n’en serions sans doute pas là. Mais ce qui est le plus intéressant à nos yeux, c’est que les entreprises et les grands cabinets de conseil réalisent enfin qu’une entreprise inclusive est plus attractive et efficace… Le pari est en train d’être gagné.
Quels sont les freins qui persistent dans ces domaines ? Comment se manifestent les discriminations ?
Bizarrement, le principal frein, c’est « la peur de mal faire », sur des sujets que l’on maîtrise mal. Mais en ne faisant, rien, l’erreur est inéluctable ! Imaginez une entreprise dont un salarié clé devient malentendant. Celui-ci va s’épuiser à essayer de comprendre ce qui se dit autour de lui, se renfermer sur lui-même, mal interpréter les informations orales. Ses résultats vont baisser, sa popularité dans l’entreprise aussi. Inévitablement, on va à la catastrophe parce que l’employeur n’a pas su répondre aux besoins spécifiques de son salarié : l’aider à financer ses prothèses auditives s’il est appareillable (prises en charge par l’Agefiph dans le privé ; le FIPHFP dans le public) ; réorganiser son espace de travail afin qu’il puisse voir le visage de ses collègues et leurs expressions… Des exemples similaires sont légion. En tenant compte des besoins spécifiques de ses salariés, une entreprise s’assure de leur performance. Quant aux discriminations, elles se produisent la plupart du temps de manière involontaire ; en jugeant les personnes sur des critères qui n’ont rien à voir avec leurs compétences tels que leur formation, leur âge, leur origine (réelle ou supposée) ou en préjugeant de leur inaptitude au poste en raison d’un handicap. C’est humain, mais c’est dramatique.
Quels résultats peut-on obtenir en la matière ?
Depuis 4 ou 5 ans, les études se succèdent en la matière. Toutes prouvent qu’une entreprise inclusive est plus innovante et performante (voir encadré). Mais attention, pour qu’une entreprise soit inclusive, la règle d’or est, d’une part, de répondre aux besoins spécifiques de chacun et, d’autre part, de laisser chacun s’exprimer.
Votre actualité, c’est un nouveau dispositif de prévention contre le sexisme en entreprise. Quel est le constat ? En quoi consiste le dispositif « Des mots qui comptent » ?
92 % des femmes (et beaucoup d’hommes aussi, d’ailleurs) sont victimes de sexisme sur leur lieu de travail. 94 % d’entre elles disent qu’à la suite de ces incidents (« blagues » douteuses, regards déplacés, remarques sur leur physique…), elles ont été beaucoup moins efficaces dans leur travail. Ces chiffres à eux seuls montrent la nécessité d’aborder le sujet en entreprise. Là aussi, les comportements sexistes engendrent des réactions dont leurs auteurs ne se rendent pas forcément compte. Dans notre culture française, « interdire » donne peu de résultats. L’approche éducative nous semble plus pertinente. « Des Mots qui Comptent » est un livre, personnalisé pour chaque entreprise qui prend la forme des livres éducatifs pour enfants. Il explique simplement, en quelques mots, ce qu’est un regard déplacé, une blague offensante, une remarque désobligeante… en expliquant les effets produits. La forme inhabituelle de l’objet dans l’entreprise crée une curiosité et une prise en mains. Lorsque la forme et le fond sont là, le message passe plus facilement.