Sereny Sun : une place au soleil pour tous

Cette start-up fait entrer, depuis sa création en 2018, l’énergie verte dans une dynamique d’économie de fonctionnalité avec son concept de communauté locale de l’énergie. Le principe : produire cette dernière au plus proche des lieux de vie et la redistribuer aux acteurs de ce collectif. Un modèle d’autoconsommation collective encore à évangéliser.

Une électricité verte, produite à proximité et accessible à tous — et non pas aux seuls propriétaires de maison disposant de moyens de financement — afin « que la transition énergétique ne laisse personne sur le bord de la route » : c’est le fond du projet de Donald François, créateur en 2018 de l’entreprise aixoise Sereny Sun, basée sur la pépinière Cleantech du domaine de l’Arbois. Si elle naît dans l’esprit de ce Canadien d’origine, c’est suite à un constat : « je me suis rendu compte de la richesse solaire dont disposait la région PACA, je me suis dit alors que ce serait dommage de ne pas en profiter, d’autant que ce territoire est assez peu équipé en photovoltaïque ». Il réfléchit alors dès 2016 à un business model permettant d’accélérer la transition énergétique, puisqu’il trouvait qu’elle « n’allait pas assez vite ». Il gravitera donc autour de la notion de circuit court de l’énergie renouvelable. « Les villes sont très denses, c’est là où l’on vit, où l’on travaille, où l’on étudie, où l’on se divertit… Il existe les moyens de produire de l’électricité au plus proche de ces lieux de vie. »

Travaux groupe scolaire du Petit Lac Calas ©petillot 11
Travaux groupe scolaire du Petit Lac – Calas ©petillot

Et donc, depuis 2018 avec Sereny Sun, c’est cette décentralisation-là qui est à l’œuvre. Ce modèle, il l’expérimente depuis quelques mois avec le lancement d’une première communauté locale de l’énergie, soit un collectif composé de la municipalité, de commerçants du territoire et de citoyens (dont une quarantaine qui a pris des parts sociales dans ce projet) basés sur le territoire provençal de Cabriès-Callas. Les travaux visent à déployer, sur quatre édifices publics et privés, des infrastructures de production solaires photovoltaïques, soit 4000 m2 de panneaux. Les premières installations sont en service depuis novembre 2021, alimentent un groupe scolaire et près de 50 foyers. Elles pourvoiront à terme pour 30 à 50 % des besoins en énergie de 120 à 140 foyers. Une « preuve de concept » donc, en attendant de passer la cadence supérieure.

Un cadre réglementaire favorable

S’il existe déjà des communautés locales de l’énergie, celle-ci est la première en France par l’ampleur du nombre d’acteurs impliqués. Il faut dire que « le cadre réglementaire a déjà beaucoup évolué avec la loi Energie climat de novembre 2019, puisqu’avant, les opérations d’autoconsommation collective devaient se faire dans des périmètres très petits. Aujourd’hui, les textes nous permettent le création de plus grandes communautés », précise Alice Gaubert, directrice du développement. Autre spécificité de Sereny Sun, elle est la seule entreprise à partager justement l’énergie verte produite entre membres d’un collectif, quand la plupart des projets similaires la réinjectent dans le réseau central. L’idée de la cleantech étant de proposer, autant que faire se peut, une électricité moins chère, en jouant sur la rationalisation des coûts via la multiplication des projets et la mise en place de communautés suffisamment importantes en puissance de production. Ce pour avoir des conditions intéressantes en matière d’achat de matériel, d’installation…

Ainsi, ce projet de communauté locale de l’énergie représente-t-il un challenge à plus d’un titre. Juridique tout d’abord, par le fait de « devoir arrimer notre approche au Code général des marchés publics, dans la mesure où nous souhaitons ancrer ces équipements photovoltaïques [mais ce peut être d’autres types de ressources ENR selon le territoire, éolien terrestre ou offshore par exemple, NDLR] sur le foncier public ». Autre challenge, les montages financiers, « complexes, mais faisables », selon le fondateur, et combinant selon le cas subventions, fonds privés, prêts bancaires, participation des citoyens, incités donc eux aussi à investir en parts sociales…

« Il faut s’entourer des acteurs dont c’est le savoir-faire. Sur le projet de Cabriès-Callas, nous œuvrons avec Energie partagée, une association nationale qui accompagne les porteurs de projets citoyens, notamment sur les dynamiques de levées de fonds. »

Alice Gaubert

Sereny Sun quant à elle en sera actionnaire majoritaire et va le rester. Il s’agit d’une partie du modèle économique de la start-up, qui inclut également dans le montant du projet (soit 1,35 M€) la rémunération de ses prestations d’accompagnement du collectif et plus largement de développement de ce circuit court.

Un objectif de 20 communautés à horizon 4 ans

Dernier challenge et non le moindre, le côté humain. « Il nous faut gérer des publics mixtes », reprend Alice Gaubert, non seulement lors de la gestation du projet, puisque « collectivités, citoyens, entreprises ne sont pas spécialement habitués à dialoguer ensemble ». Mais aussi plus en amont. Car avant même que les collectifs ne se constituent, il faut déjà trouver la bonne porte d’entrée, le bon acteur à stimuler. Ce peut être la collectivité publique, mais parfois aussi une entreprise qui fait construire de nouveaux bâtiments avec une capacité de toiture importante et « désire s’ancrer sur son territoire ». Une fois la clé d’entrée identifiée, l’équipe de Sereny Sun se charge de déterminer un potentiel de production d’énergie sur ce territoire.

Pour ce faire, l’entreprise utilise des outils permettant de survoler les villes et donc, de rechercher les toitures, friches urbaines, les aires de parking suffisamment bien orientées pour cela. Ensuite, elle cherche à réunir des acteurs diversifiés, d’identifier ceux qui seront des locomotives en matière d’émulation. Outre les municipalités et les entreprises, « ce peut être des mouvements type villes en transition. Nous nous rapprochons aussi des bailleurs sociaux », lesquels sont investis dans une logique de réduction de charges via des solutions plus écologiques. Plus largement, l’objectif de Sereny Sun est de développer un écosystème de partenaires qui partagent sa vision, ses valeurs, à l’instar d’Energie partagée, afin de toucher via le réseautage au lieu de se borner à une prospection hasardeuse.

Bien s’entourer et évangéliser cette innovation conceptuelle, juridique et financière : c’est avant tout cela le défi de la start-up, qui vise la constitution de 20 communautés locales d’ici 2025. Ce qui représente 40 MWc de puissance totale cumulée, 50 000 MWh par an de production d’énergie, soit la consommation de 10 000 foyers et un montant de 50 millions d’euros d’investissements.


Photo : Equipe SerenySun Energies ©criscuolo

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