Réseaux sociaux et polarisation de l’opinion publique en France

Deux France irréconciliables. C’est en résumé l’analyse de nombreux commentateurs au sortir de ces élections législatives. Le climat politique est irrespirable et les réseaux sociaux participent à l’hystérisation et à la polarisation de la vie politique du pays.

Les réseaux sociaux, par leur nature virale et instantanée, favorisent la diffusion rapide de contenus émotionnellement chargés. Ces plateformes utilisent des algorithmes qui privilégient les publications suscitant des réactions fortes, souvent négatives. En période électorale, cette dynamique est exacerbée. Les discours polarisants et les fausses informations se répandent plus facilement, créant un climat de tension et d’extrêmes.

L’affaire Cambridge Analytica

Lors des élections présidentielles de 2016 aux États-Unis, l’affaire Cambridge Analytica a révélé comment les réseaux sociaux peuvent contribuer à l’hystérisation du débat politique et attiser les haines. Cambridge Analytica, une société de conseil en communication stratégique, a utilisé des données personnelles collectées sur Facebook pour influencer le comportement des électeurs. Cet exemple illustre la manière dont les réseaux sociaux peuvent être instrumentalisés à des fins de manipulation politique.

En 2018, le scandale Cambridge Analytica a éclaté lorsque Christopher Wylie, ancien employé de la société, a révélé que l’entreprise avait obtenu les données de millions d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement. Ces données ont été utilisées pour créer des profils psychologiques des électeurs et pour diffuser des publicités ciblées visant à influencer leur vote. La campagne de Donald Trump a notamment bénéficié de ces techniques sophistiquées de manipulation de l’information. Cette manipulation tient en trois mots : microciblage, propagande émotionnelle, utilisation de fakes news.

Grâce aux données collectées, Cambridge Analytica a pu segmenter l’électorat en microgroupes et adresser des messages spécifiques à chacun, jouant sur leurs peurs et leurs préjugés. Ces messages étaient conçus pour provoquer des réactions émotionnelles fortes, souvent négatives, afin de polariser l’opinion publique et de détourner l’attention des débats rationnels. La diffusion de fakes news vient compléter ce dispositif en créant un climat de méfiance et de division. Des articles fallacieux et des rumeurs ont été largement partagés, renforçant les clivages existants et la bulle informationnelle dans laquelle chaque camp se trouve comme prisonnier.

Profilage psychologique

L’utilisation des réseaux sociaux pour manipuler les électeurs a des conséquences graves pour la démocratie. Elle compromet l’intégrité du processus électoral et nuit à la qualité du débat public. Les citoyens, exposés à des informations biaisées ou fausses, voient leur capacité de jugement critique altérée. De plus, la polarisation accrue nuit à la cohésion sociale et rend le dialogue politique plus difficile, pour ne pas dire impossible.

L’affaire Cambridge Analytica met en lumière les dangers de l’utilisation des réseaux sociaux à des fins de manipulation politique. Elle souligne la nécessité d’une régulation stricte des données personnelles et d’une vigilance accrue quant à la propagation des fausses informations. Les amendes infligées aux protagonistes restent basses au regard des milliards de bénéfices que ceux-ci dégagent. Pas sûr que ces mesures soient réellement dissuasive.

La meilleure défense contre cette menace consiste donc, en premier lieu, à comprendre les mécanismes de la manipulation computationnelle pour garder la tête froide. Mais difficile de garder son libre arbitre face à ceux que l’on appelle « les architectes du choix » et qui modèlent habilement nos décisions.

Crédit photo : Pratek Katyal – Unsplash

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