Il se considère comme un « gros feignant », mais il est un bosseur hors pair. Les journées de Nicolas Baudry sont intenses, il travaille jour et nuit parfois, il sacrifie ses week-ends, croule sous les demandes des entreprises pour son « escape game géant en visioconférence ». Et pourtant, il y a quelques mois, ce professionnel de l’événementiel était au fond du trou. Du moins sur le plan financier. Car il a un capital confiance exceptionnel. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » La formule de Mark Twain lui sied. Sa résilience est exemplaire. Le soutien du CJD a été décisif.
« Le rituel verre au bar d’à côté c’est fini, on s’amuse autrement, on reste reliés comme dans la journée, mais qu’est-ce qu’on s’amuse ! ». Responsable marketing digital chez O2 Care Services, Christophe de Gabory a été l’un des premiers clients de Banana Events. Dans d’autres entreprises, le reconfinement avait tellement plombé l’ambiance que des responsables de ressources humaines l’appelaient en mode SOS : « Faites quelque chose, on est désespérés ». Peu importe le jeu ou la séance ludique proposés (danser ou combattre sur un tatami !), il s’agit de s’aérer l’esprit dans une belle ambiance. « Expert en ambiance », Nicolas Baudry en a fait un métier.
A l’entendre parler de son enfance, cette vocation a commencé en écoutant son père, chef d’entreprise, rentrer du travail après une journée tendue avec son équipe. « Le management ne me faisait pas rêver, je me demandais comment l’on pouvait supporter une journée de souffrance au travail ». Cette conviction va être confortée par une très mauvaise première expérience professionnelle. Féru de psychologie et de sociologie, il n’en est pas moins fêtard, entre deux lectures de Freud. « C’est dans mes tripes que l’on s’amuse ». Son passage comme commercial et associé aux Gîtes de la Charnie, dans la Sarthe, est décisif. C’est là qu’il initie avec succès les familles de Parisiens au laser-game. C’est un succès. Il décide alors de voler de ses propres ailes en créant une agence d’événementiels et lance les laser-games lasers dans les entreprises. Ce jeu avec des fusils factices et des rayons infrarouges dans la vraie vie sur le modèle de jeu vidéo fait fureur. En cinq ans, il passe de 250 à 750 clients. Des enseignes comme Ikea, Leroy-Merlin Décathlon ou Castorama font appel à lui pour « enflammer » les soirées du personnel. Parmi les moments forts : les caissières de chez Leclerc avec leurs casques équipés de capteurs sur des tatamis avec des sabres. Et ces soirées dans les caddies à se tirer dessus !
Tout s’écroule du jour au lendemain avec la pandémie du Covid-19. Finis les événements festifs, l’« ambianceur » broie du noir, mais il dit avoir aperçu une « étincelle ». Sa femme le pousse à aller au bout de son rêve pour en faire une réalité. Pour cet as du marketing, le calcul est vite fait. Il y a 20 millions de salariés en France dont 20 % en télétravail. Un marché de 4 millions d’individus dont beaucoup, fatigués de cette nouvelle vie, sont en quête de détente. « Combien vont ils être à entendre parler de nous ? » s’interroge l’entrepreneur qui vient de créer Banana Events. Le Prêt garanti par l’Etat (PGE) lui est refusé, il reste peu de trésorerie, il contacte les fournisseurs et les banques pour leur faire comprendre qu’il ne pourra pas les payer. Les paroles de l’expert-comptable « Ta boîte va couler, tu es perdu » n’entament pas son optimisme.
Le CJD en soutien
C’est alors qu’il découvre le CJD où il participe à la « commission découverte ». Aux dirigeants, il explique qu’il n’est pas très bon en gestion. Ces derniers le rassérènent en lui disant qu’il peut s’appuyer sur un capital de satisfaction avec un bon concept et faire de ce confinement annoncé un temps utile. Cet encouragement lui va au cœur et fort d’un « cerveau disponible », il se met à cogiter jour et nuit, se connecte au site Bubble pour développer des outils web et mettre au point une nouvelle activité à distance. « Le frisson de l’aventure, le goût du risque, mais aussi l’obligation de réussir me galvanisent ». Président du CJD Le Mans, le chocolatier Vianney Bellanger lui propose de monter un studio de téléachat et une WebTV de recettes culinaires. Le Sarthois se sent moins seul dans ce défi. D’autant que, dans un élan de solidarité, le CJD du Mans lui propose de tester son escape game. Il demande à chaque JD de « parler cash » et de relever tous les défauts et choses perfectibles. Lorsque le reconfinement survient, il est prêt à répondre à des attentes qui s’avèrent encore plus urgentes. « Au-delà du bon temps ensemble, mon concept recrée du lien social et du collectif dans un monde qui a tendance à créer des distances et générer du repli ». Les sessions d’amusement en visioconférence se font en deux clics, elles durent une heure et consistent à résoudre une « énigme collaborative ». Comme de coutume en France, tout se termine par un verre. Les équipes aux noms divers (nom le plus prisé : les confinés !) peuvent bénéficier du bonus, une Box Apéro livrée pour 30 euros et trinquer par écrans interposés ! Dirigeant de la société Lucca, Bruno Catteau, premier client de l’escape game en ligne devient un mordu de ce jeu : « Je suis bluffé par sa réactivité et sa créativité pour créer des événements qui nous aèrent l’esprit en fin de journée »
La demande explose. Son intuition devient un florissant business. Il embauche 6 personnes, des animateurs pour la plupart. Son objectif d’un million de chiffre d’affaires en 2025, il n’est pas impossible qu’il l’atteigne au premier semestre 2021 ! Nicolas Baudry aurait pu déprimer et écouter un peu trop les conseils des Cassandres, mais il a cru en cette « étincelle ». « Aller au fond de l’hyper satisfaction du client et ne vivre que pour cela ». Une autre leçon est vite tirée de ce rebondissement. « Le succès, il faut l’accepter et le préparer. On pense que cela n’arrive qu’aux autres ! »