Elle est chargée de projets événementiels à la Vinothèque de Bordeaux. Elle a réussi à grimper les échelons et fini par créer sa propre structure, « Elle & Vins ». Objectif : importer des appellations bleu blanc rouge au Burkina Faso. Un pont entre la France et le continent africain qui permet à la population locale de découvrir nos produits et pour nous de ne pas perdre l’un de nos secteurs les plus appréciables. Portrait et entretien avec Yasmine Zetiyenga.
Avec son mètre 65, sa chevelure afro, elle arrive face à vous telle une reine. Elle prend place, gracieusement, explique d’une voix douce, mais affirmée ses projets. Yasmine Zetiyenga, une jeune burkinabè de 32 ans, est arrivée à Bordeaux en 2006. Bac littéraire derrière elle, elle a entamé des études à la Faculté de Droit de Bordeaux. Très vite, elle s’en est désintéressée et s’est réorientée en entreprenant des études en Licence de Tourisme et Hôtellerie. « Au moment d’effectuer un stage en entreprise, j’ai vite réalisé que c’était un secteur assez vaste et je n’avais pas vraiment d’idée sur la structure que j’avais envie d’intégrer », explique-t-elle. « Le hasard et la chance m’ont conduit à postuler dans une entreprise dont l’activité principale était l’oenotourisme. Dans le cadre de ma formation, j’ai alors choisi cette spécialité afin que cela soit cohérent avec mon entreprise d’accueil. C’est alors que je me suis retrouvée dans le milieu de la vigne. À la suite de ce début d’expérience alliant théorie et pratique, je me suis très vite familiarisée avec ce milieu et tout de suite une passion pour le vin est apparue… J’ai tout de suite su que je voulais continuer dans ce domaine et en faire mon métier. Par la suite, j’ai effectué mes deux années de Master en Tourisme et Événementiel tout en poursuivant ma spécialité en Oenotourisme ».
Dans un monde d’hommes essentiellement, la belle issue du pays des Hommes intègres a gardé le cap, montant les échelons. Apprenant, travaillant d’arrache-pied. « Je peux aussi dire que j’ai eu beaucoup de chance, que j’ai toujours eu une bonne étoile, que j’ai fait de bonnes rencontres au bon moment, une expérience en amenant à une autre… Au fil de mon parcours, j’ai petit à petit pu étoffer mon CV en passant par des châteaux, des sites oenotouristiques, des agences événementielles autour du vin, et du tourisme fluvial jusqu’à mes débuts à La Vinothèque de Bordeaux où j’exerce en tant que caviste et de chargée de projet événementiel » détaille-t-elle sans prétention. Avec sa main de fer glissée dans un gant de velours, elle sait s’imposer et se faire respecter. Aujourd’hui, elle a créé sa propre structure, « Elle & vins ». Ses choix se portent sur des vins qui proviennent de l’Europe, essentiellement de la France et de l’Espagne et la destination est le contient africain. Le Burkina Faso, pour commencer. « J’ai lancé la structure “Elle & Vins” pour accompagner les professionnels dans la sélection de leur vin. Le marché burkinabé est inondé d’appellations, parfois de qualité douteuse ». Or pour Yasmine, il est nécessaire d’apporter de l’innovation en proposant des gammes variées de vins, irréprochables en qualité et qui s’adaptent au Berceau de l’humanité. Une mise en relation entre les professionnels du vin en Afrique et des professionnels viticoles bordelais, Français ou étrangers, souhaitant s’implanter sur le marché africain, en somme.
Une évidence
« Ce projet m’est apparu comme une évidence. En partant du Burkina il y a maintenant quatorze ans, j’ai toujours eu envie soit d’y retourner sur du court ou du long terme pour y concrétiser un projet. Le vin m’a semblé tout naturellement être une bonne idée. Au au fil du temps, j’ai découvert que les habitudes de consommation en Afrique évoluaient : quand j’étais plus jeune, la bière était l’alcool de prédilection pour toutes les classes sociales. Les caves à vins se comptaient sur les doigts d’une main, le vin étant plutôt réservé à une élite. Peu à peu, ce produit a commencé à se démocratiser. De plus j’ai commencé à être approchée par des personnes de mon entourage un peu éloigné qui me sollicitaient afin de pouvoir importer des vins de Bordeaux. Oui, des vins de Bordeaux, car ils ont une renommée internationale. Cependant la culture du vin reste encore à faire : de plus en plus de consommateurs sont avides de connaissances et souhaitent en savoir plus sur le vin, connaître son histoire, son élaboration, savoir le déguster et c’est aussi là que j’interviens en proposant des formations et ateliers de dégustation aux particuliers, mais aussi aux professionnels du vin en Afrique ». En février 2020, lors d’une soirée de lancement au Burkina Faso, la belle a fait découvrir aux invités une vingtaine de marques de vins qu’elle distribue déjà à certaines grandes caves du pays. Le futur, elle l’envisage en grand. Et sur tout le continent africain. « Étant donné la crise du Covid que nous traversons tous, le marché du vin est fortement impacté, néanmoins c’est un secteur avec un fort potentiel et je suis persuadée qu’il y aura encore beaucoup à faire. Mon ambition est de pouvoir m’implanter progressivement à travers toute l’Afrique… Car l’Afrique est l’avenir ».
Mission réussie
Lorsque l’on aborde avec Yasmine « l’entre-soi » de l’univers du vin — qui semble réservé aux grandes familles viticoles, aux hommes blancs – , elle adoucit le propos « vu de l’extérieur, et même à Bordeaux, le monde du vin a toujours été considéré comme étant un milieu “fermé”, un métier d’hommes, où ce sont des familles bourgeoises et/ou aristocrates qui dirigent les choses. Cependant, de plus en plus de femmes interviennent dans ce milieu, sont propriétaires de domaines viticoles, maîtres de chai, œnologues, etc. Ceci étant, les noirs sont tout de même très peu représentés dans cette sphère… En particulier les femmes noires ! » Mission réussie pour elle. « Pour vivre, il faut du vin aux charmantes couleurs », écrivait le poète et savant persan Omar Khayyam. Et Yasmine Zetiyenga apporte dans notre monde le bon vin, le charme et la couleur.