Second et dernier moment de notre rencontre avec Jean Staune, essayiste et conférencier.
Et sur le plan environnemental, qu’est-ce qui vous fait espérer ? Que peut l’entreprise ?
Je m’inspire beaucoup de Gunter Pauli et des principes de l’écologie positive. Tant que l’écologie sera perçue comme une contrainte et prendra la forme d’une énième taxe, elle ne pourra pas changer les comportements. En Colombie, un brevet a été déposé pour faire du biocarburant pour véhicule diesel à partir de térébenthine, qui s’obtient à partir de résineux. En France, nous possédons beaucoup de forêts de pins. Avec de la recherche, nous pouvons élaborer une filière de biodiesel. Un carburant qui sera moins cher, car moins taxé. Plutôt que de sanctionner financièrement les détenteurs d’un véhicule diesel, pourquoi ne pas changer de stratégie et développer une alternative satisfaisante pour tout le monde ? Et en plus, cette nouvelle filière permettrait de créer des emplois en France. C’est ce genre de solutions qu’il faut appeler de nos vœux et encourager !
Ces derniers mois ont été marqués en France par les Gilets Jaunes et le Grand Débat. Comment analysez-vous ces événements ?
Le problème avec ce mouvement des Gilets Jaunes, c’est son absence de représentation. Si on veut dialoguer, il faut des règles et les Gilets Jaunes n’arrivent pas à former un consensus pour établir ces règles. Le RIC, c’est bien, mais avant toute chose, il faut des procédures. 80 % des entreprises dites libérées échouent parce que le processus n’a pas été mis en place, les règles définies et appliquées. J’ai rencontré Alexandre Girard, un patron qui a « libéré » l’entreprise Chronoflex. Il est très sensible à ces questions de dialogue et de prise de décision. Il en a même fait un livre, Le patron qui ne voulait plus être chef, aux éditions Flammarion. Pour lui, une bonne méthode pour débattre se déploie en cinq étapes.
Tantôt être dans le collectif, consulter, être dans le lien et tantôt trancher, être dans l’autorité.
Premièrement, face aux événements, confesser sa faiblesse, reconnaître ce qui se passe. Deuxièmement, demander de l’aide aux citoyens. « J’ai besoin de vous ! » Troisièmement, co-construire le cadre du Grand Débat avec les participants. Quatrièmement, former les facilitateurs, sinon c’est la foire à l’empoigne, le défouloir et chacun assène ses vérités. Cinquièmement, accepter de mettre en place 70 % au moins des propositions sorties du processus. Voilà les conditions du débat telles qu’un chef d’entreprise dite libérée peut les penser. Dans la gestion d’un pays ou d’une entreprise, il faut savoir zigzaguer. Tantôt être dans le collectif, consulter, être dans le lien et tantôt trancher, être dans l’autorité. Il faut les deux, mais il faut le faire dans le bon timing. L’élection d’Emmanuel Macron a été l’exemple du bon usage du collectif. Il a été très à l’écoute, très ouvert pendant la campagne. Puis il a tout changé en devenant « Jupiter ». Aujourd’hui le problème, c’est que le Président de la République a été contraint de faire du collectif sous la pression, à contretemps.
Votre conseil à un dirigeant d’entreprise ?
Le monde de demain sera un monde beaucoup moins sécurisé, beaucoup plus risqué, et cela pour chacun d’entre nous. Aucun diplôme, aucun poste ne constituent une garantie définitive. C’est très stressant, mais ce monde sera aussi un monde d’opportunités jamais vues dans l’histoire humaine. Il n’a jamais été aussi facile d’être millionnaire (pour ceux qui désirent encore l’être), mais pour cela il faut se mettre en mouvement, développer une soif insatiable de connaissances, explorer en permanence de nouvelles pistes, avoir plusieurs sources de revenus complémentaires, se préparer à l’imprévisible, grâce à une aptitude à rebondir basée sur une multiplication des talents et des savoirs.