À 32 ans, Gilles Kounou a déjà tracé une route des plus notables. Cet ingénieur en systèmes d’information et génie logiciel a en effet été le premier codeur de son pays, le Bénin. Portrait d’un génie discret et efficace.
C’était en 2016. Place de la Bourse. Il est arrivé accompagné de Yazid Chir, Président de Nos Quartiers Ont du Talent, s’est assis à la table de nos échanges, dans la boulangerie Eric Kayser. « Il », c’est Gilles Kounou. Un homme qui fait la fierté du Bénin, où il a codé dès l’âge de 13 ans. Le jeune prodige s’est alors installé, casque sur les oreilles, les yeux rivés sur son téléphone. Capable de suivre dans le même temps la conversation autour, il s’est d’ailleurs permis d’ajouter, brièvement et sans besoin de se draper de grandiloquence, quelques conseils avisés. Le thème était alors l’Afrique. Ses forces, ses faiblesses…
Acteur engagé dans son écosystème
« J’ai entamé ma scolarité très tôt, dès l’âge de deux ans, à Bouba, une école privée de Cotonou. Puis j’ai obtenu mon certificat d’études primaires au CM1, un an avant la fin du primaire ». Le ton est donné. Gilles Kounou, qui grandira avec sa mère à partir de l’âge de huit ans et aux côtés d’un frère et de deux sœurs, était bien promis à un grand destin.
Diplômé d’avionique de l’Ecole de l’Air de Marrakech et de Génie logiciel de l’Institut de Mathématiques et de Sciences Physiques de l’Université d’Abomey Calavi, Gilles Kounou a consacré les trois premières années de sa vie professionnelle à la diffusion du principal progiciel open source de gestion des universités au sein de la sous-région ouest-africaine.
Lauréat du Prix Francophone de l’Innovation Numérique en 2015, conseiller de la mairie de Cotonou, Gilles Kounou a également remporté au niveau continental le Deuxième Prix Société Générale pour avoir réinventé l’expérience client en agence bancaire.
Manager du Google Developer Group d’Abomey-Calavi, responsable du Réseau d’Éducation et de Recherche du Bénin, il partage désormais son temps entre sa startup, OPEN SI, ses activités communautaires — à travers le GDG Abomey-Calavi, le RERBENIN, l’incubateur d’entreprises numériques en création SolidarIT TechHub — et sa recherche scientifique consacrée à l’utilisation du numérique pour adresser les problématiques locales de développement. Acteur engagé dans l’écosystème numérique du Bénin, il a travaillé à la numérisation des tontines (Rotative Online Savings and Credit Association) au moyen des réseaux sociaux. Idem pour le conseil agricole.
L’intégration des TICs (Technologies de l’Information et de la Communication) dans le système éducatif béninois fait également partie de son tableau des objectifs atteints. « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde », disait Nelson Mandela…
Vivre à l’heure du numérique
Toutes ses actions ont permis de propager l’innovation sur l’ensemble du territoire de sa terre natale. De voir comment il fallait mettre en place une infrastructure qui permet aux citoyens de vivre à l’heure du numérique au 21e siècle.
Maintenant son cap, Gilles s’est concentré pour construire des systèmes de « e-administration » performants, c’est-à-dire de faire en sorte que les services municipaux soient facilement mis à disposition des citoyens via Internet. Qu’ils n’aient plus besoin de se déplacer systématiquement pour aller chercher un document ou pour en faire la demande.
Il s’est par ailleurs attelé à accompagner par ailleurs le développement d’un tissu entrepreneurial lié au digital qui soit conséquent, afin que plateformes digitales, e-commerce, etc., puissent aussi exister. Revenons en détail sur OPEN SI… Le surdoué issu du Quartier latin de l’Afrique œuvre sans relâche sur cette startup qui s’investit donc au jour le jour dans l’innovation et la transformation numérique au sein de la communauté béninoise. De façon concrète, cette société de services en ingénierie logicielle accompagne la transformation digitale des organisations et des entreprises en mettant à leur disposition les méthodes et les systèmes d’informations innovants et générateurs de valeur ajoutée. L’un de ses bébés favoris est goMedical… Et son histoire est estampillée « inspirée de faits réels ». À la sortie d’un séjour médical jonché de difficultés dues à une mauvaise transmission des informations entre les différents centres hospitaliers parcourus, Gilles Kounou s’est juré de créer un service pour gérer la relation patients-médecins au travers d’un dossier numérique transférable de façon sécurisée entre les professionnels de santé. Selon lui, l’une des raisons de cette mauvaise transmission reposait sur l’agenda papier dans les hôpitaux ainsi que le carnet de santé papier.
Des projets plein la tête
Le 24 novembre 2017, Go Médical est donc née. Le nouveau-né a très vite été qualifié comme étant l’un des services « les plus innovants dans l’espace francophone au sud du Sahara ». Et pour cause : l’agenda en ligne pour les formations sanitaires, l’application mobile de prise de rendez-vous, la tablette qui permet aux professionnels de santé d’accéder au dossier médical du patient, la mise à disposition de l’annuaire des formations sanitaires, de l’agenda des médecins, de leurs disponibilités dans chacune des institutions, sans oublier la possibilité de payer ses prestations médicales à distance via Mobile Money et les cartes bancaires… Tout a été pensé de A à Z.
Inutile de préciser qu’avec toutes ces avancées, toutes ses compétences, Gilles Kounou n’a guère eu besoin de l’appui d’un quelconque réseau pour percer et aller au plus haut. « Réseau ou pas, nous pouvons toujours accomplir des choses » glisse-t-il sans détour. « J’ai réussi à monter une boîte de 30 collaborateurs et je ne suis pas doué pour aller serrer des mains ». Avec le confinement, ses activités ont été mises au ralenti. « J’ai déjà plein de projets en tête », glisse-t-il, confiant et souriant. Une tête bien faite qui, elle, ne s’arrête jamais…