Dominique Bourg : « L’écologie s’impose comme un référentiel » (1/2)

dominique bourg
Dominique Bourg

Engagé dans les dernières élections européennes, le philosophe Dominique Bourg livre pour le site dirigeant.fr ses réflexions sur l’arrivée au premier plan médiatique des questions écologiques. Premier temps de cet entretien.

Les enjeux écologiques depuis plusieurs mois semblent enfin occuper le devant de la scène médiatique. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Dominique Bourg : Signe des temps, deux députés en viennent à proposer des mesures impensables il y a encore quelques années. Delphine Batho propose d’interdire tout vol intérieur vers des destinations reliées par le train en moins de cinq heures. François Ruffin quant à lui souhaite interdire les lignes aériennes lorsqu’un autre mode de transport permet d’effectuer le même voyage avec au maximum 2 h 30 de plus que le temps de vol effectif d’un avion. En Suède, le flygskam, « la honte de prendre l’avion », se développe. Le débat est lancé. Le moment-clé pour moi a été l’été 2018 ; pour la première fois, les gens ont senti qu’il y avait un problème de climat. La Suède, pays très boisé, a été confrontée à une canicule inédite avec des incendies spectaculaires. En septembre 2018, au sortir de l’été, de nombreuses manifestations ont vu le jour avec des seuils de mobilisation jamais atteints (100 000 personnes en France). On commence à sentir que quelque chose ne marche plus. Nous passons directement de l’été à l’hiver, puis de l’hiver à l’été. Bien sûr, nous savions… mais ce savoir ne percolait pas. Celui-ci rejoint aujourd’hui l’expérience sensible. Le dérèglement climatique n’est plus une abstraction. La canicule de fin juin avec un record historique dans le Gard de 45° vient de nous rappeler cette donne nouvelle.

Aujourd’hui, quel constat faites-vous à la suite des élections européennes – élections pour lesquelles vous étiez la tête de liste Urgence Ecologie — et du bon score de EELV ?

Dominique Bourg : Le constat que l’on peut tirer de ces élections, c’est qu’en France, personne ne pouvait ne pas mettre l’écologie en avant. La question écologique apparaît comme incontournable. C’est assez surprenant dans notre pays. Les populistes sont d’ordinaire plutôt hostiles à la question climatique (Trump, Bolsonaro, …), mais le Rassemblement National est le premier parti populiste à sortir de ce déni en poussant le thème du localisme.

Les frontières, cela ne pèse pas lourd face à l’hypothèse de deux milliards de réfugiés climatiques.

Mais le localisme est une mauvaise approche du problème, car tout ne peut pas être local. C’est intéressant sur des questions de circuits courts. Mais nous sommes obligés d’importer. Par rapport au vivant et au climat, le localisme est une approche ridicule ; les problèmes ne s’arrêtent pas aux frontières. Les frontières, cela fonctionne bien quand on est d’accord de part et d’autre. Les frontières, cela ne pèse pas lourd face à l’hypothèse de deux milliards de réfugiés climatiques. Le localisme est un enfermement face aux problèmes mondiaux qui se posent à nous. Cela ne colle pas avec l’échelle Terre à laquelle se posent les grands défis. Le localisme est une idée astucieuse, mais étroite et absurde. Le localisme prôné par le RN révèle le fait qu’on ne peut plus faire de la politique sans soulever la question écologique. L’écologie s’impose comme un référentiel. C’est une victoire culturelle.

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