Considérés comme l’une des principales mutations du marché du travail, les freelances restent pourtant une population méconnue. Dans un monde encore peu adapté à leurs besoins, de nouvelles solutions émergent pour faciliter leur quotidien.
Un travailleur sur trois est aujourd’hui freelance outre-Atlantique. Une étude menée par Upwork et le syndicat Freelancers Union anticipe même que ce statut deviendra majoritaire parmi la population active américaine d’ici à 2027 ! En Europe, c’est le même son de cloche. Composé de 930 000 travailleurs indépendants dans l’Hexagone[1], ce bataillon a connu depuis 10 ans une progression de 145 %. Loin de constituer un phénomène à la marge, cette population ne cesse de prendre de l’ampleur au cœur d’un monde du travail en quête de nouveaux modèles. Car le salariat traditionnel ne fait plus rêver tout le monde. L’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, le besoin d’indépendance, la flexibilité des modes de travail ou encore la mobilité géographique sont autant de raisons qui font se lever chaque matin ces nouveaux travailleurs en quête de sens.
Le vrai visage du freelance
Bien que plus nombreux, les freelances font trop souvent encore l’objet de préjugés. Alors que beaucoup associent freelancing et faibles revenus, la réalité est en fait plus complexe. Aux États-Unis, la catégorie qui croît le plus gagne au moins 60 000 dollars par an. Pas si mal pour un travailleur souvent considéré comme précaire ! Autre idée reçue : les freelances seraient d’anciens salariés passés par la case chômage qui ne parviendraient pas à retrouver un emploi stable. Au contraire, il s’agit d’un vrai choix de carrière. D’après une étude de la plateforme Malt, 88 % d’entre eux ne souhaitent pas redevenir salariés à temps plein tandis que 78 % se disent fiers de leur statut. Un sentiment de satisfaction qu’on retrouve rarement chez les salariés traditionnels. Enfin, même si le freelancing est issu historiquement des métiers de l’IT, le phénomène est loin d’être aujourd’hui uniquement cantonné aux développeurs et autres data scientists. S’y ajoutent en effet de nombreuses professions autour de l’image – UX/UI designers, directeurs artistiques, graphistes ou encore photographes – tout comme les métiers de la communication et du webmarketing.
Santé, retraite, logement… Le parcours du combattant pour les indépendants
Pour autant, la vie de freelance n’est pas tous les jours rose. Car avec l’indépendance vient aussi la gestion autonome de tous ces avantages qui paraissent naturels aux salariés.
Trouver un logement, par exemple, relève du parcours du combattant face à des bailleurs et des banques qui ne voient que par les fiches de paie de salariés en CDI.
Gérer les factures, trouver des clients ou encore négocier sa mutuelle sont autant d’aspects à administrer désormais soi-même lorsque la décision est prise de renoncer au moule du salariat. La vie personnelle est elle aussi impactée par ce changement de statut. Trouver un logement, par exemple, relève du parcours du combattant face à des bailleurs et des banques qui ne voient que par les fiches de paie de salariés en CDI. Et ce, même si bon nombre de freelances sont assez solvables pour payer un loyer ou faire un emprunt ! Sans parler de la retraite ou de l’assurance chômage, deux domaines qui représentent encore une épée de Damoclès pour beaucoup de freelances. Alors que l’Etat a su mettre en place ces dernières années des mesures fiscales en vue d’instaurer un régime plus incitatif, un grand pan de l’économie ne s’est clairement pas encore mis au diapason.
Les plateformes, nouveaux alliés des freelances
Alors, de nouveaux services se développent pour offrir aux freelances certains de ces avantages. Alan, qui a levé 40 millions d’euros début 2019, propose ainsi une assurance santé pour tous les indépendants et autoentrepreneurs, avec la promesse de bénéficier des mêmes garanties que les salariés pour un prix similaire. De leur côté, Shine et Qonto mettent à disposition un compte bancaire professionnel et une aide pour la gestion financière et administrative de son activité.
Mais surtout, une multitude de plateformes éclosent pour faire naître des lieux de rencontre entre freelances et entreprises de toute taille. Car pour ces dernières, l’enjeu est de taille pour collaborer avec des talents qualifiés et surtout flexibles, dans le cadre d’un droit du travail parfois contraignant. Alors que certaines entreprises déploient des logiciels de gestion et de fidélisation de leurs communautés de freelances ou que d’autres recrutent des Chiefs Freelance Officers, les plateformes se positionnent comme places de marché répondant à la fois aux enjeux des freelances comme des entreprises. Les États-Unis font ici, comme souvent, figure de pionnier avec notamment les plateformes Upwork, leader du secteur qui a réussi son entrée en bourse l’année dernière, et Freelancer. Pas moins de 64 % des freelances américains trouvent désormais du travail via ces plateformes. Alors qu’elles se démultiplient à travers le globe, à l’instar de Malt, Yoss ou encore Comet en France, rien de surprenant à ce que ces nouvelles solutions soient accueillies à bras ouverts par ces collaborateurs de demain.
Cédric Teissier et Arthur de Catheu