« La pire des défaites, celle d’avoir refusé le combat », écrivait le navigateur Gérard d’Aboville. C’est pourtant une telle défaite qui se profile quand on analyse les réponses de nos gouvernants à la question climatique.
Notre ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a lancé hier mardi une consultation publique jusqu’à la fin de l’été pour réfléchir à l’adaptation de notre pays à un réchauffement de +4 degrés à horizon 2100.
Pour le JDD, le ministre s’explique. « Si on se prépare à une France à +4 degrés et qu’à la fin on a un réchauffement climatique qui n’est que de +2 degrés, c’est moins grave que si on se prépare à une France à +2 degrés et qu’on finit à une France à +4 degrés. On a qualifié le premier scénario d’optimiste et le second de pessimiste, mais en réalité c’est plutôt de scénario réaliste qu’il faut parler. »
En rire pour éviter d’en pleurer
Un scénario « optimiste » (sic) à +2 degrés en 2100… c’est moins grave que si c’était pire ! Si ce scénario se révèle exact, nous pourrons sabrer le champagne. Enfin, pas nous, mais nos enfants et nos petits-enfants. Ceux-ci pourront légitimement être fiers de nous. Espérons même qu’ils soient reconnaissants pour le joli cadeau que nous leur transmettons. On dit merci qui ?
Que dire de cette initiative ministérielle ? Nous pouvons formuler deux remarques.
Primo, que va nous apprendre de nouveau cette phase de consultation ? Les constats n’ont-ils pas été tirés depuis longtemps déjà ? Si la France n’est peut-être pas la championne du monde de la lutte contre le réchauffement climatique, elle serait une candidate sérieuse au titre pour l’organisation de grands-messes, colloques et consultations tous azimuts sur la question. De nombreuses préconisations ont déjà été émises et restent lettre morte, malgré l’urgence. L’important aujourd’hui, c’est de se bouger ! La petite phrase « La maison brûle et nous regardons ailleurs » commence sérieusement à dater. Il faudrait peut-être songer à appeler les pompiers.
Il serait donc opportun de cesser les palabres pour s’engager résolument dans l’action. Si la consultation est évidemment un moment essentiel en démocratie, elle ne doit pas servir de stratagème pour jouer la montre et refiler la patate chaude (c’est le cas de le dire) aux gouvernements suivants. Après moi le déluge…
Game over !
Secundo, réfléchir aujourd’hui aux modalités d’adaptation de notre pays à l’éventualité d’une hausse des température de +4 degrés à la fin du siècle ne démontre pas les capacités du gouvernement à anticiper les problèmes et à se projeter, mais constitue plutôt un terrible aveu d’impuissance.
Se préparer au pire est nécessaire. Mais lutter pour que ce pire n’advienne jamais l’est autrement plus. Or aujourd’hui, le ministre laisse entendre que l’affaire est pliée. Un monde invivable est promis aux générations futures, même si nous ignorons encore jusqu’à quel point. Nous devons nous adapter, nous n’avons pas le choix. C’est comme ça. Quel message d’espoir adressé à la jeunesse !
Face à l’incommensurabilité de la tâche et son infinie complexité, la « stratégie » (si c’en est une) de la résignation apparaît comme la plus simple et la plus lâche. La plus simple car elle ne remet pas en cause le système, mais se contente de l’aménager à la marge, ce qui arrange tout le monde. La plus lâche car elle consiste à refuser le combat pour accepter l’intolérable.
Nous vivons un moment comme il en existe régulièrement au cours de l’Histoire, un moment où il s’agit de choisir entre résister ou capituler. Edgar Morin le répète sans cesse : le pire n’est jamais certain. Plutôt que de préparer dès aujourd’hui notre défaite, engageons enfin le combat !
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