Chroniques estoniennes (2) : « un paradis digital »

sgf 1

Avec 99 % des services en ligne, pour un Estonien, les seules occasions de sortir de chez soi pour effectuer une démarche administrative se limitent au mariage, au divorce et à l’achat d’un bien immobilier. Sans surprise pour un État moderne, c’est par l’impôt, ciment de nos démocraties actuelles, que le pays s’est engagé dans sa digitalisation en 2000.

L’E-tax board est aujourd’hui une réussite avec 95 % des déclarations d’impôts remplis en ligne. La carte d’identité numérique permettant l’accès à tous les e-services (2002) et le vote en ligne (2005) ont permis de lier démocratie et digitalisation.

« Coolest digital society »

Dans le nouveau bâtiment du Showroom de l’Estonie sur la transformation digitale, les cubes blancs éclairés par des néons bleus et verts ont remplacé le bois et la lumière tamisée de l’ancien E-Estonia Showroom. La « Coolest digital society » vit par et pour sa digitalisation, qu’elle met en scène avec fierté. Comme dans n’importe quelle entreprise, il a fallu 20 % de technologie et 80 % de conduite du changement à l’Estonie pour opérer sa transformation digitale en partant de zéro. Une réussite qui repose sur la confiance en l’E-Estonia. En effet, la meilleure solution technologique n’est rien si elle n’est pas utilisée par ses usagers, et pour cela, une confiance mutuelle est indispensable. Les citoyens devaient croire que l’État serait capable de sécuriser complètement leurs informations via le digital. Les citoyens ont permis à leur pays de développer le champ législatif adéquat pour leur faire gagner du temps et de l’argent.

Crédits : CJD – YouTube

La X-road

Les organisations publiques ont ainsi leur propre système pour gérer et analyser les informations sur les citoyens. Une plateforme a été mise en place pour garantir la bonne circulation de l’information (santé, impôt, et maintien de l’ordre) : la X-Road. C’est la véritable colonne vertébrale de tout le système. Dès 2001, la X-road remplit les trois critères nécessaires pour la rendre opérationnelle : l’efficience pour permettre à chaque membre du système de l’utiliser facilement, l’incorruptibilité et la protection des données. Cela permet aux services publics d’être accessibles « 24/7 » et autorise de nombreuses bases de données publiques et privées à fonctionner en harmonie. L’efficacité de ce système est indéniable pour ses économies de temps et d’argent, mais aussi de transparence, puisque chaque citoyen peut savoir quelles structures s’échangent ses données personnelles.

sgf

Cyberattaque

En 2007, une cyberattaque particulièrement violente fait trembler la X-road. Plutôt que de taire l’incident, le pays choisit alors de la révéler au grand jour afin de sensibiliser les autres pays. Avec la digitalisation de tous ses services, de nouvelles menaces émergent et il faut trouver des solutions originales pour les contrer comme la création des e-embassy (2014). La e-embassy est une extension du gouvernement estonien qui permet à l’État d’avoir des serveurs stockant les données en dehors de ses propres frontières.

Le pays en a profité pour repousser toujours plus loin ses propres frontières. Avec la volonté que ses citoyens n’aient jamais à effectuer deux fois la même action, l’état estonien a su gagner leur confiance.

Impossible de revenir à un monde de papier en E-Estonia, la protection des données ne peut se faire à présent que digitalement, ce qui a convaincu le ministère de la défense d’encourager la création de startups sur ce sujet : elles sont 30 actuellement. Cette attaque loin d’être devenue une faiblesse a fait de l’Estonie un champion de la cybersécurité. Le pays en a profité pour repousser toujours plus loin ses propres frontières. Avec la volonté que ses citoyens n’aient jamais à effectuer deux fois la même action, l’état estonien a su gagner leur confiance. Cela a permis à la société dans son ensemble de prendre le virage du numérique avec une forte adhésion de la population.


Virginie Hoarau

Partager cet article