Aimez-vous les voitures ? C’est peut-être le cas. Alors, si vous êtes citadins, préparez-vous à être frustrés…
Je vais essayer de faire preuve d’objectivité et de dérouler mon argumentation pour vous faire prendre conscience d’une chose : la voiture en ville vit ses derniers moments, et ce n’est pas dommage.
Partons de trois constats :
- Une voiture est utilisée en moyenne 50 minutes par jour. Ce qui veut dire que pendant 23 h 10 par jour, elle est en stationnement. Elle ne sert à rien. Elle occupe de l’espace. La pauvre doit s’ennuyer.
- Sur un trajet, une voiture contient 1,06 personne en moyenne. L’utilisation de la voiture est quasi individuelle, alors qu’une voiture peut en général accueillir quatre passagers. Conduire, si c’est un plaisir, est un plaisir solitaire.
- Une voiture pèse plus d’une tonne, voire plus… pour tracter au final une seule personne (cf. point 2) dont le poids se situe en moyenne autour de 70/80 kg. C’est un peu comme si on utilisait un bazooka pour tuer une mouche. Nous utilisons de gros moyens pour pas grand-chose…
Bienvenue en Absurdie !
Petit exercice (basique) de prospective
Parallèlement à cela, nous savons que :
- Les rejets de CO2 accroissent le péril climatique. Les études le confirment depuis longtemps. Le climato-scepticisme n’est plus en odeur de sainteté…
- Les villes, qui regroupent la majorité de la population mondiale — cette tendance s’accélère partout dans le monde —, sont engorgées par les voitures. Pas besoin de vous convaincre avec des arguments chiffrés : chacun de vous peut en faire l’expérience quotidienne.
- En moyenne, sans la présence de voitures, les trajets dans une grande ville peuvent se faire en 15 minutes en vélo, trottinette ou métro.
Bref, notre quotidien pourrait paradoxalement devenir un peu plus rose s’il était un peu plus vert.
Deux faits politiques à signaler, pas si anodins que cela. Ils doivent nous alerter.
- Dans les derniers jours de sa campagne municipale (perdue au profit des écologistes), Gérard Colomb, alors maire de Lyon, a évoqué la piétonnisation de la Presqu’île et donc le bannissement des voitures de l’hypercentre de Lyon. Pour qu’un maire en exercice depuis longtemps soit contraint, sous la menace de perdre son poste, de dégainer une proposition comme celle-là, c’est bien que le sentiment anti-voiture est une tendance profonde en ville (et surtout porteuse électoralement).
- Anne Hidalgo veut piétonniser quatre arrondissements historiques du centre-ville de Paris. Elle a annoncé cette mesure en 2018 et en a fait un élément de son programme de 2020. Anne Hidalgo a été réélue, ce qui n’aura échappé à personne.
En conséquence, sans jouer les Madame Irma ni faire preuve d’un militantisme écolo-radical, nous pouvons en bonne logique affirmer que nous allons vers un repli très net des voitures en ville. C’est une tendance lourde. Ce qui rend cette révolution possible (et qui ne l’a pas rendue possible avant), ce sont deux choses :
- Les solutions partagées, les plateformes de covoiturage. Il est possible de réduire considérablement le nombre de véhicules en ville pour peu qu’on s’organise à travers des moyens numériques. De même, la question de la possession d’une voiture va se poser, d’autant plus qu’il s’agit là d’un poste de plus en plus important dans le budget des ménages et que des solutions alternatives existent désormais. Solutions qui vont encore se développer sous le coup des innovations qui vont débouler sur ce marché.
- Les voitures autonomes permettront de transporter des passagers en continu. Finie la courte « balade » de 50 minutes par jour ; les voitures autonomes pourront assurer des navettes ou trajets sur des plages horaires importantes. Fini le stationnement en ville grâce aux rotations permanentes. Selon certaines études, le trafic actuel pourrait être divisé par 9 avec l’arrivée des voitures autonomes.
S’engager ou dégager
L’épidémie de la Covid et les confinements successifs ont considérablement affecté la vie de nos centres-villes. La révolution de la mobilité qui arrive va la bouleverser.
Il est donc urgent pour le tissu économique de proximité – en premier lieu les commerçants — de se mobiliser pour préparer (et non tenter de contrecarrer) les changements à venir. Penser le changement et non changer le pansement, pour paraphraser Pierre Dac.
Les changements à venir sont souhaitables et nécessaires, car nos villes étouffent. Nous étouffons. Nos villes doivent rester des lieux de convivialité, d’échanges, de culture… Bref, des lieux de vie. Si les acteurs de l’économie de proximité freinent des quatre fers et s’opposent à l’inéluctable, nous savons tous ce qui se passera. Il se passera ce qu’il s’est toujours passé : les changements se feront à leur détriment. Les décisions seront prises sans eux, voire contre eux par les politiques. Et ces décisions, prises au sommet sans guère de concertation, peuvent impacter significativement le chiffre d’affaires des commerçants. Négativement, mais aussi positivement.
Les acteurs de l’économie ont beaucoup à perdre dans cette transition qui s’accélère, mais ceux-ci doivent d’ores et déjà imaginer ce qu’ils auront à gagner en s’impliquant activement à l’élaboration de la ville de demain, au travers de tous les espaces de concertation et de décision qui sont ouverts ou vont s’ouvrir. Ils doivent préparer les plans du navire dans lequel ils embarqueront, plutôt que de s’accrocher aux quelques planches qui leur serviront de radeau.