OPINION – Le climat social est étouffant ces derniers mois. Quelle est la leçon, ou à défaut le constat que l’on peut tirer de ce long épisode ? Tout simplement l’impasse dans laquelle mènent la violence et l’outrance.
Le 29 janvier dernier, un certain nombre de « personnalités », ou du moins de personnes se considérant comme telles, signaient dans le journal L’Humanité une tribune contre la politique du gouvernement et la personne du président de la République : « Non Monsieur Macron, nous ne sommes plus en démocratie ».
Saluons tout d’abord le courage de L’Humanité dans sa défense vigoureuse de la démocratie, en permettant l’expression d’une parole libre et critique envers le pouvoir. Courage parce qu’il en faut pour publier une telle tribune aujourd’hui dans une dictature comme la nôtre…
Oui, personne ne peut raisonnablement affirmer que la France est un modèle de démocratie. Trop de décisions sont prises en haut et subissent l’influence de lobby.
J’ai bien conscience que nous ne vivons certainement pas dans le paradis de la transparence et de la démocratie participative. La démocratie est un idéal vers lequel il faut tendre.
Pour autant, vivons-nous en dictature ? Le président a sans doute un peu raison quand il demande à ceux qui voient en lui un dictateur d’« essayer la dictature », car ceux qui l’ont goûtée un jour s’en rappellent généralement et peuvent la reconnaître aisément…
Mais ce qui attire mon attention avec cette tribune, c’est cette tendance généralisée à l’exagération. Nous vivions en France dans une dictature. La caricature du président de la République en habits de SS est abondamment relayée sur les réseaux sociaux par des individus de gauche comme de droite. Reductio ad hitlerum : il ne faut pas être un fervent macroniste pour trouver ce stratagème infâme.
« Outrance partout, nuance nulle part »
« Police partout, justice nulle part« . Je dirais plutôt : « Outrance partout, nuance nulle part« . La tempérance n’est pas la vertu la plus partagée de nos jours. C’est la culture du clash, qui n’accepte pas le débat et qui préfère le dénigrement voire la menace au débat d’idées, à la recherche d’une argumentation. Un récent déferlement de haine a été fermement condamné par Robert Badinter, très en colère face aux images de la tête d’Emmanuel Macron sur une pique. « La représentation d’une tête au bout d’une pique est à mes yeux totalement condamnable […] Derrière le symbole, il y a la pulsion. » Pulsion de mort.
Cette violence répond à une autre forme de violence — plus sournoise —, m’objectera-t-on. La violence appelle la violence, dit-on. Mouais… Je m’interroge néanmoins sur un point : dans le monde idéal prôné par les contestataires les plus durs, souvent adeptes de la tristement célèbre « démocratie populaire », aura-t-on également le droit de montrer son mécontentement en manifestant avec ce même niveau de haine ? Pourra-t-on signer dans la presse nationale une tribune contre le gouvernement en place ? Le gouvernement financera-t-il, avec des aides abondantes, la presse de l’opposition ? Permettez-moi d’exprimer mes doutes.
Ces quelques lignes ne persuaderont pas les opposants radicaux à Emmanuel Macron de « rentrer dans le rang » et de calmer leur courroux, j’en ai bien conscience. Ces quelques lignes sont celles d’un homme fatigué de voir son pays – un pays aux atouts incontestables et dans lequel on ne vit pas si mal – faire de la violence la seule manière de gérer les désaccords. Avec le succès que l’on sait. Ces quelques lignes sont celles d’un citoyen qui appartient à cette majorité silencieuse qui ne s’exprime que lors des échéances électorales. Ces quelques lignes sont signées par un quidam dont le terrain de jeu n’est pas la rue mais les associations et l’entreprise. Un quidam qui, à son échelle et comme beaucoup d’autres, travaille à mailler les générations et les origines sociales, à créer de la richesse (et pas seulement économique).
Tous à vos bulletins !
Nous ne sommes pas en démocratie ? Soit, mais nous avons la chance en 2022, dans la terrible dictature qui est la nôtre, de ne pas reconduire le tyran qui nous opprime. Attendons donc les prochaines élections présidentielles pour exprimer massivement cette désapprobation avec notre bulletin de vote. Nous verrons alors ce que les électeurs – tous les électeurs – en pensent. Mais pas avant. Car la démocratie, c’est d’abord des règles qu’il convient de respecter et d’accepter.