Test : dirigeants, êtes-vous plutôt Juliette Armanet ou Michel Sardou ?

Pas de répit. Alors que la période des vacances d’été est traditionnellement très calme sur le plan médiatique, ce début de mois d’août fut particulièrement agité, du moins sur les réseaux sociaux et certaines chaînes télé. En cause, un bout d’interview de Juliette Armanet diffusé et repartagé sur les réseaux sociaux, bout d’interview au cours duquel la chanteuse flinguait les Lacs de Connemara de Michel Sardou, chanson culte de fin de soirée s’il en est.

Plusieurs France se sont affrontées devant leur écran suite à cet événement majeur. Pas de morts, fort heureusement. Les plus vieux contre les plus jeunes ; la droite contre la gauche. Les uns reprochant à Armanet l’indigence des textes de ses chansons, les autres accusant Sardou ne n’être qu’un vil réactionnaire. A quand un combat sur un octogone ?

Image1

Bref, le tintouin habituel. Car il importe aujourd’hui, chaque semaine, de fabriquer une polémique miteuse et de compter les points, les vues, les clics… Avec un tout petit morceau de savon, bien frotter pour obtenir le plus de mousse possible : voilà la logique à respecter sur twitter (pardon X), Facebook et consorts. Créer le clash, jouer sur l’agonistique, ce biais qui capte notre attention et qui s’avère, pour reprendre le jargon du sociologue Gérald Bronner, un excellent « produit cognitif », très efficace pour capter notre attention. « Partout, l’éditorialisation de l’information est contaminée par l’anticipation de la demande dès lors que la pression concurrentielle augmente : moins de traitement de fond, plus de divertissements, mise en scène de conflit de personnalités avec la convocation d’éditorialistes aux positions tranchées et opposées. »[1]

Alors que cette pseudo-affaire battait son plein, une information peinait à se frayer une place sur les plateformes des réseaux sociaux. Nous apprenions en effet que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) revoyait à la hausse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole en 2023. Dopée par les voyages aériens estivaux, l’utilisation accrue de pétrole (fioul) dans la production d’électricité et la montée en flèche de l’activité pétrochimique chinoise, cette demande s’achemine vers son « niveau le plus élevé jamais enregistré ». 102,2 millions de barils par jour en moyenne… « La demande mondiale de pétrole devrait augmenter de 2,2 millions de barils (mb/j) par jour » par rapport à 2022 « pour atteindre 102,2 mb/j en 2023, la Chine représentant plus de 70 % de la croissance », détaille l’agence. Une information importante pour qui s’intéresse a minima à l’avenir de l’humanité qui est passée complètement sous les radars.

On m’a souvent répété que le rôle d’un journaliste consistait à rendre intéressant ce qui est important, et non le contraire. Aujourd’hui, même l’inintéressant a vocation à devenir important. Surtout l’inintéressant. Cette polémique à deux balles Armanet/Sardou qui a été montée en épingle en est l’illustration. Et pendant que l’espace médiatique est saturé d’informations aussi futiles, minables, déplorables – en un mot : « merdiques » -, d’autres absolument fondamentales sont condamnées à rester invisibles.


[1] Gérald Bronner, Apocalypse cognitive Presses Universitaires de France, 2021.

Crédit Photo : Can Stock Photo – lolloj

Partager cet article