Les projets se suivent et ne se ressemblent pas. Pour les projets hautement complexes, quand les forces politiques et sociales doutent ou s’opposent, un peu de méthode ne nuit pas.
Dans leur livre La stratégie du projet latéral, Olivier d’Herbemont et Bruno César jettent les bases d’une méthode de conduite de projet sensible, valable à la fois pour « les grands enjeux nationaux » et les projets d’entreprises. Cette méthode apporte idées et structuration aux responsables désireux de mettre en mouvement les hésitants ou les récalcitrants en période de changement. Pour commencer, les auteurs distinguent trois types de projets.
- Les projets de type 1 sont assez complexes techniquement, mais aucunement sur le plan relationnel. Ces projets se gèrent en stratégie directe : il s’agit de structurer logiquement le sujet en tâches successives dont on veille à l’exécution jusqu’à aboutir à l’objectif visé.
- Les projets de type 2, c’est l’inverse : très faible complexité technique, mais haute complexité relationnelle. Ces projets se gèrent en stratégie indirecte, où l’attention ne doit pas être en priorité portée sur ce qu’il faut faire (les tâches), « mais sur les acteurs qui font ou non ces tâches, ou qui empêchent même qu’elles se fassent ». Donnons à titre d’exemple un projet d’évolution de la politique de rémunération d’une entreprise : assez simple à mettre en œuvre sur un plan purement technique, mais difficile à faire accepter aux syndicats.
- Et puis il y a les projets de type 3 qui conjuguent une intense complexité sur les deux dimensions. Ici, il est essentiel de développer une stratégie ad hoc pour atteindre les objectifs malgré les obstacles.
La stratégie du projet latéral offre justement une approche intéressante pour aborder cette dernière typologie de projets pour en réduire l’incertitude, sans jamais l’abolir.
La première étape consiste à analyser le contexte et les acteurs qui y sont impliqués. Il s’agit d’aller au-devant des acteurs pour leur présenter une vue du projet et écouter et comprendre la perspective de chacun. On va également repérer les alliés. « Un allié n’est ni un ami ni un ennemi, c’est une personne au moins aussi synergique qu’antagoniste ». Ce qui est donc important ici, c’est de mesurer l’énergie que chaque acteur consacre au projet (c’est ce qu’on appelle la sociodynamique) avant de s’intéresser à la nature même de cette énergie. Cette première étape consiste à « faire la tournée des popotes », à jauger les différentes dynamiques en présence. Il est essentiel de connaître préalablement les préoccupations des acteurs, de recueillir et prendre en compte leurs besoins, attentes, peurs…
Du projet initial au projet latéral
C’est alors que l’on peut réellement poser les bases du projet en élaborant un état des lieux partagé. Cela permet de co-construire le projet avec les acteurs. Il s’agit ici de valoriser les contributions de chacun pour créer la confiance et se donner toutes les chances de réussir. « On appellera projet latéral une autre formulation du projet d’origine, qui tient compte des remarques ou des besoins exprimés par les acteurs alliés. » Cette notion de projet latéral trouve sa source dans les travaux d’Edward de Bono, inventeur du concept de pensée latérale, une méthode qui prend en compte la contribution créatrice de tous les participants à un débat. L’objectif du processus est de dissiper les malentendus, de gagner le soutien des sceptiques et de rallier les hésitants.
Notons que le projet latéral peut constituer seulement une sous-partie du projet. De même, différents projets latéraux peuvent être nécessaires en fonction des acteurs intervenants sur les différentes phases du projet.
« La stratégie du projet latéral est une stratégie de coalition ». L’aspect politique est donc essentiel. Face à la diversité des positions dans la coalition des alliés, le flou des informations, la mauvaise foi et le stress des acteurs, il est nécessaire de s’assurer de l’efficacité du système de décision. Là aussi, l’ouvrage d’Olivier d’Herbemont et Bruno César énumèrent les pistes de solution, depuis la constitution de comité de pilotage jusqu’à la préparation au conflit. La stratégie du projet latéral offre aux dirigeants une aide précieuse pour accompagner les changements. Reste à trouver le courage de les initier…
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