Quatre révolutions majeures traversent nos sociétés depuis quelques décennies. Elles apparaissent aujourd’hui béantes. Il n’est plus question de nier le réel, de résister, de répéter les mêmes solutions qui se révèlent inopérantes. Penser le futur, c’est prendre acte de ces transformations profondes qui interagissent entre elles et avoir la capacité d’interroger radicalement nos représentations.
1 – Révolution numérique
L’informatisation puis le développement de l’Internet ont profondément remis en cause nos manières de travailler, de consommer, d’entrer en relation, de vivre. Le temps et l’espace sont comme abolis. Une culture de la connectivité et de l’instantanéité émerge ; les frontières s’effacent.
2 – Révolution organisationnelle et politique
Michel Foucault dans Dits et Ecrits (Tome 2, Gallimard) posait un diagnostic très juste sur les sociétés occidentales des années 60 et 70. « Ces dernières années, la société a changé et les individus aussi ; ils sont de plus en plus divers, différents et indépendants. Il y a de plus en plus de catégories de gens qui ne sont pas astreints à la discipline, si bien que nous sommes obligés de penser le développement d’une société sans discipline ». En démocratie, le changement ne peut donc plus s’imposer par la seule contrainte ; il faut composer avec le consentement des sujets. Les individus aspirent à être davantage acteurs, ils veulent plus de transparence et d’implication concrète dans la conduite des affaires publiques.
Le numérique, en fluidifiant les relations, permet de supprimer les intermédiaires et vient accélérer cette recomposition des rapports de pouvoirs engagée depuis les années 60. Nous passons d’une société d’organisations pyramidales à une société d’organisations horizontales. La verticalité en politique se trouve contestée par de nouvelles exigences démocratiques et participatives.
3 – Révolution économique
L’abstraction liée à la financiarisation de l’économie, l’absurdité d’une société qui valorise la surconsommation, les injustices de plus en plus flagrantes liées à la montée des inégalités, le dérèglement climatique et la disparition de la biodiversité, le culte de la croissance, tous ces maux obligent à revoir urgemment les règles de fonctionnement du capitalisme tel qu’il se développe depuis son origine.
4 – Révolution écologique
Certaines limites semblent déjà franchies : le changement climatique, l’intégrité de la biosphère (biodiversité), la perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore, les modifications de l’occupation des sols et l’introduction de nouvelles entités dans l’environnement. Au cours des derniers mois, les franchissements de deux limites planétaires ont été annoncés : celle des polluants chimiques, en janvier dernier, puis celle du cycle de l’eau douce, en mai. Le dépassement des limites planétaires peut provoquer des modifications brutales, non linéaires et imprévisibles sur l’environnement, détériorant gravement l’habitabilité de la planète pour l’être humain.
Le mot radicalité fait peur. Il renvoie souvent à la violence. Mais la radicalité, c’est avant tout – étymologiquement – prendre les problèmes à la racine. C’est aller à la source des maux. Non pas se contenter de mesures paramétriques, mais fonder un autre système à partir d’autres prémisses. L’impact de ces quatre révolutions nous poussent à trouver de semblables solutions : radicales. « On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré« , aurait dit Einstein. C’est autrement plus complexe, mais aussi plus engageant !
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