Le consommateur peut-il sauver le climat ?

canstockphoto30997432
© Can Stock Photo / dolgachov

Pour enrayer le phénomène du réchauffement climatique, devrions-nous changer nos modes de vie de manière radicale ? Miser sur la « consommation durable » ? Cette stratégie ne témoigne-t-elle pas au contraire d’une méconnaissance certaine de la psychologie humaine ?

Pour enrayer la dégradation du climat, le réchauffement de la température mondiale, devons-nous changer nos modes de vie de manière radicale ? Renoncer à des éléments de confort que nous avions mis des générations à acquérir ? Au moment même où le privilège de disposer de ces innovations, réservé à l’hémisphère Nord, était justement en train de changer la vie de milliards de personnes au Sud ? Bien des penseurs et des experts se posent la question. Mais les réponses sont loin d’être aussi unanimes qu’on voudrait le faire croire.

Donneurs de leçons

Ainsi, Ramesh Thakur, ancien Secrétaire général adjoint des Nations-Unies, vient de mettre un texte en ligne accusant une certaine élite du pouvoir et de l’argent d’accumuler – je cite – « les gestes vides, accomplis en public afin de véhiculer les attitudes socialement approuvées sans aucun risque, ni sacrifice. » Il les appelle « the progressive phonies », « les progressistes bidons ». Et sa tête de Turc favorite est le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Le « darling de la gauche mondiale » est un hypocrite doublé d’un incompétent, multipliant les faux pas diplomatiques.

Mais le Prince Harry en prend aussi pour son grade, lui qui « jet-sette à travers le monde pour mettre en garde les gens contre le réchauffement climatique ». Or, poursuit Ramesh Thakur, « Harry est loin d’être isolé dans son cas. Quand il a voyagé vers la Sicile en juillet pour un rassemblement du climat, organisé par Google, il ne fut qu’un parmi des délégués dont 114 avaient fait le voyage dans leur jet privé. Et il y avait aussi toute une flotte de yachts, pas beaucoup plus économes en énergie. » 

Comme l’a tweeté alors le Premier ministre d’Alberta, Jason Kenney « à nouveau un étalage de méga-yachts, de jets privés et de consommation ostentatoire, alors que des milliards de gens souffrent d’un manque d’énergies ». 

L’hypocrisie de ces ultra-riches donneurs de leçons commence aussi à exaspérer les gens auxquels ils recommandent la sobriété…

Peut-on compter sur le comportement vertueux des consommateurs ? 

Comme l’écrit sur le site Areo, Mads Nordmo Arnestad, jeune universitaire norvégien, au nom de slogan « penser global, agir local », nous sommes encouragés à changer nos habitudes de consommation « pour sauver la planète ». Cela va du plus évident : utiliser les modes de transport les moins polluants, au plus cocasse : utiliser ses propres excréments comme engrais du jardin. 

Cela part de bonnes intentions, mais cela peut-il être efficace ? Non, selon notre Norvégien. La conso durable est un mythe consolateur et voilà pourquoi. 

1 – Croire que les consommateurs, qui sont des milliards, peuvent avoir un effet de masse est une illusion. Plus on est nombreux à croire quelque chose nécessaire, et plus on est tenté de compter sur les autres. C’est ce que les économistes appellent « la tragédie des communs ». Et qu’Aristote avait énoncé il y a deux mille trois cents ans : « ce qui est commun à tous fait l’objet de moins de soins, car les humains s’intéressent davantage à ce qui est à eux. » 

C’est la raison pour laquelle les régimes communistes ont dévasté leur environnement encore bien davantage que la recherche du profit par les capitalistes. 

2 – En raison d’un biais psychologique connu sous le nom de « la sensibilité à l’étendue ». Lorsque l’ampleur du problème est perçue comme trop grande, un sentiment d’insensibilité vient s’interposer entre ce que nous croyons juste et ce que nous sommes réellement disposés à faire. 

3 – A cause du piège de l’empathie. Notre pitié va de manière quasi exclusive aux êtres vivants qui nous émeuvent. Les bébés pandas et dauphins plutôt que les petits des alligators. Or, malheureusement, le problème climatique prend rarement des formes susceptibles de nous émouvoir. 

4 – Intervient une question de désirabilité sociale. 

Les humains se rassurent en se conformant aux normes sociales en vigueur, parce qu’elles leur procurent de leurs semblables un sentiment de reconnaissance. Ces temps-ci, c’est la « consommation responsable » qui permet d’en bénéficier. Ceux qui n’ont pas les moyens de ce type de consommation souffrent d’une perte de standing social. Ils sont, par exemple, obèses donc considérés comme à la fois pauvres et fautifs. 

Cela provoque de l’exaspération chez les gens qui se sentent incapables de suivre ce qui s’apparente bel et bien à des mouvements de mode. Ainsi, jusqu’en 2014, il était considéré comme écologique de manger des fruits de mer. Depuis qu’on a réalisé que la culture en fermes marines des scampi et autres gambas dégradait les forêts de mangrove, c’est devenu très mal vu. Les gens simples sont – je cite – « agacés par la démagogie morale démonstrative des activistes tendance ». 

Dangereux sophisme

Non, les solutions efficaces, selon notre Norvégien, sont de la compétence des dirigeants politiques. C’est à eux qu’il revient d’édicter et de faire respecter par les entreprises des normes compatibles avec la préservation de l’environnement. Mais tenir le consommateur individuel pour responsable est « un dangereux sophisme ».

Crédit : France Culture

Partager cet article