Lorsqu’un salarié est embauché dans une entreprise, il signe un contrat de travail. Mais les attentes de ce salarié ne se limitent pas à ce qui est écrit et convenu sur quelques pages de papier. Se crée en effet au même moment entre employé et employeur un « contrat psychologique ». C’est Denise Rousseau, professeure à l’Université Carnegie Mellon, qui a mis en évidence cette notion.
Ce contrat informel, bien distinct du cadre contractuel formel, englobe les attentes implicites qui lient les deux parties. Le contrat psychologique se définit comme « les croyances d’un employé en ce qui concerne les termes et les conditions d’un accord d’échanges réciproques entre lui et son organisation. Les questions ont trait ici à la croyance qu’une promesse a été faite et une compensation offerte en échange, liant les parties à un ensemble d’obligations réciproques »[1].
Lorsque ces attentes ne sont pas satisfaites, quand un employé estime que son employeur n’a pas honoré ses engagements implicites, une « brèche » se forme, entraînant des répercussions notables sur le bien-être des travailleurs et bien évidemment sur la bonne marche de l’entreprise. Cette violation entraîne une expérience négative : le contrat n’est pas respecté, et le sujet va attribuer des causes à ce manquement et peut développer un sentiment d’injustice.
Prenons un exemple assez classique. Martin, cadre dans une entreprise de technologie, perçoit un engagement non verbal de la part de sa direction : un cheminement de carrière prometteur en échange de sa forte implication. Le recruteur n’a-t-il pas souligné lors de l’entretien d’embauche que s’il se défonçait et ne comptait pas ses heures, de nombreuses opportunités lui seront ouvertes dans l’entreprise ?Mais lorsque, après plusieurs années, ces attentes ne se matérialisent pas, Martin éprouve cette situation comme un coup de canif dans le contrat psychologique qui le lie à l’entreprise. Cette perception — car tout cela reste subjectif — de cette promesse non tenue engendre frustration et désillusion. Martin s’interroge sur la manière dont sa direction interprète ses résultats et sur les raisons de ce qu’il considère être une placardisation.
Un facteur d’apparition des troubles psychosociaux
La brèche dans le contrat psychologique peut être un facteur déclenchant de diverses pathologies liées au travail, telles que le burn-out, le brown-out et le bore-out. Le burn-out survient souvent quand l’épuisement professionnel coïncide avec la perception d’une trahison des attentes. Le brown-out, lié à une perte de sens au travail, peut être exacerbé par la sensation que l’employeur ne respecte pas ses engagements implicites en termes de valeurs ou d’éthique. Quant au bore-out, lié à l’ennui et au manque de stimulation, il peut naître de promesses non tenues concernant les défis et opportunités professionnels.
Cette situation est souvent le fruit d’une communication déficiente ou d’une compréhension divergente des promesses non formalisées. Savoir gérer ces attentes est crucial pour prévenir ces brèches. La communication transparente et régulière reste fondamentale et doit se matérialiser à l’occasion des entretiens annuels d’évaluation. Les managers doivent avoir conscience de l’existence de ce contrat invisible pour entretenir un environnement de travail sain et productif.Haut du formulaire
[1] Rousseau, D. M. (1995). Psychological Contracts in Organizations: Understanding Written and Unwritten Agreements. Sage Publications, p.9.