L’association La Cloche œuvre à donner à chacun et chacune les possibilités de créer du lien social de proximité pour que toutes et tous puissent s’épanouir librement et être acteurs et actrices d’une société plus inclusive. Rencontre avec Agathe Legrain et Olivia Bars, respectivement directrice engagement et déléguée générale de cette association qui agit contre l’exclusion des personnes en situation de précarité.
Comment est née l’association ?
L’initiative est née en 2014 grâce à Louis-Xavier Lecat. En discutant avec les commerçants de son quartier — le 11e arrondissement de Paris —, il entend que ceux-ci aimeraient aider plus les personnes en grande précarité qui vivent dans le quartier, mais ne savent pas comment. L’idée de faire se rencontrer ces deux populations d’un même quartier fait alors son chemin. Le Carillon est né. Il s’agit d’un service gratuit permettant aux personnes sans domicile de recharger leurs portables, d’avoir accès aux toilettes ou à du Wifi. Un sticker représentant un Carillon ainsi que des pictogrammes sont accolés sur la porte du commerce pour indiquer aux personnes sans domicile les services et proposer et leur assurer qu’elles sont les bienvenues.
Quelle est sa finalité ?
L’objectif de cette initiative est de faire en sorte que les personnes en grande précarité se sentent inclus dans leur quartier et de bénéficier de coups de pouce au quotidien. Cela a commencé dans le 11e, mais l’initiative s’est développée un peu partout. Aujourd’hui, l’association La Cloche est présente en propre dans 11 villes en propre et 7 villes sur un modèle de franchises sociales : plutôt que de nous implanter et de recruter de nouvelles équipes, plutôt que de grandir et de s’installer dans des villes où il existe déjà des associations traitant ces sujets, nous prenons contact avec ces dernières afin qu’elles portent le projet.
Concrètement, en quoi consiste votre action ?
Aujourd’hui, nous avons plusieurs programmes. Notre constat, c’est que, bien sûr, les personnes en grande précarité ont besoin de se nourrir ou de se loger, mais qu’elles ont également besoin de choses toutes aussi essentielles comme l’accès à la culture, la participation à leur vie de quartier, la création de lien social, etc. De même, ces personnes ont également des compétences à faire valoir comme n’importe qui, c’est pourquoi La Cloche propose à quiconque de devenir bénévole et de mettre à profit ses compétences. Le programme Carillon est le premier programme de La cloche. Notre objectif, c’est vraiment de « faire ensemble », de créer du lien social au sein des quartiers. Le Carillon est un point de départ pour faciliter le lien social. Offrir des services du quotidien est un prétexte, une porte d’entrée pour créer du lien et participer des activités. Notre rôle à la Cloche est de faciliter la mise en œuvre, d’accompagner les voisins avec ou sans domicile. Mais notre objectif est clair, il faut que le lien perdure au-delà de notre action.
Parmi nos actions, il y a une multitude d’activités qui sont mises en place avec toujours pour objectif de redonner aux personnes leur pouvoir d’agir et de créer du lien social. Par exemple, nous organisons des soupes impopulaires qui sont distribuées aux passants. En inversant la démarche, nous sensibilisons les citoyens sur le fait que ce n’est pas parce que la personne est à la rue qu’elle n’a pas de compétences ou pas envie de participer à la vie de son quartier et qu’il est essentiel de casser le rapport aidant/aidé instauré dans notre société. A la Cloche, n’importe qui peut devenir bénévole et tous les besoins sont importants : alimentaire, logement, professionnel, accès à la culture, lien social, etc. Il faut que dans nos quartiers, tout le monde puisse échanger. On peut avoir un logement et un emploi et se sentir tout de même seul, exclu dans son quartier.
Comment les entreprises peuvent-elles vous aider ?
Concrètement, les entreprises peuvent nous aider de deux manières. La première via le mécénat financier : les entreprises nous financent annuellement et en échange nous sensibilisons leurs équipes et les invitons à participer à nos activités et événements de lien social autour de leurs domiciles ou de leur lieu de travail. La deuxième manière de nous aider, via des actions de formations : nous avons ainsi conçu une formation de 5 modules permettant de donner les clefs aux salariés pour mieux comprendre, devenir acteurs dans la lutte contre l’exclusion sociale ainsi que de monter en compétences et améliorer sa qualité de vie au travail. Nous formons les enseignes de grande distribution ou bancaires qui rencontrent quotidiennement devant leur lieu de travail des personnes sans domicile. Cette formation qui peut entrer dans le budget de formation des entreprises concerne toutes les structures qui souhaitent que leurs équipes soient plus à même de prévenir et gérer les rencontres avec les personnes en situation de grande précarité.
Nous avons également élaboré une fresque de la rue, qui découle de la volonté d’avoir un outil de sensibilisation qui permet d’avoir une vision de la précarité qui se veut globale et systémique. Cette fresque permet de déconstruire les clichés, de travailler sur le changement de regard. C’est très compliqué de dépasser les préjugés. Mais nos modes d’intervention ont pour but d’y parvenir et de casser le couple aidant/aidé pour aller vers le « faire ensemble ».
Comment aller plus loin dans vos actions ?
Nous avons créé un programme qui s’appelle Mon Taf Solidaire : c’est un projet d’inclusion professionnelle qui se veut être une solution pour accompagner les personnes en situation de précarité dans leur parcours d’insertion professionnelle. C’est un retour progressif et direct à l’emploi chez des commerçants solidaires du Carillon : des personnes en situation de précarité sont accompagnées par un organisme d’insertion professionnelle partenaire (l’ADPEI) et sont embauchées sur des premières heures chez les commerçants du Carillon, eux-mêmes formés et accompagnés par La Cloche. Ce projet a été expérimenté au sein de La Cloche Sud et est en train d’être essaimé dans le reste de nos antennes. Notre cœur de mission est bien évidemment encore et toujours l’engagement citoyen et nous expérimentons donc pour le développer dans toutes ces formes.
Crédit photos : Aurélien Sanchez