C’est ce que propose un expert suédois, Mats Persson. Ce serait moins risqué pour les gouvernements nationaux…
Les émissions de gaz à effet de serre ont-elles baissé à la hauteur des engagements internationaux ? Non. Or, pour Mats Persson, un expert suédois, très influent dans le monde anglo-saxon, ces émissions posent à l’humanité un problème « existentiel ». « Les choses étaient censées changer lors de la conférence des Nations-Unies sur le climat réunie à Paris, en 2015 », rappelle-t-il. Le document final, fixant dans le marbre l’engagement de prendre à bras le corps la question des émissions, a été signé par 197 pays.
Et de fait, entre 2014 et 2016, les émissions mondiales de CO², liées à l’usage d’énergies fossiles avaient enfin stagné. Or, elles ont recommencé à augmenter depuis, tant en 2017 qu’en 2018. De 1,7 % précisément, l’an dernier. Une conférence sur le climat, qui s’est tenue, l’an dernier, à Katowice, sans résultats tangibles. La prochaine aura lieu à Santiago du Chili en décembre de cette année. Il faut trouver, d’ici là, un moyen enfin efficace de pousser les signataires à respecter leurs engagements.
Sitôt rentrés dans leurs pays, les dirigeants politiques négligent les engagements auxquels ils ont souscrit. Pourquoi ?
Il est aisé de prendre la pose devant les caméras du monde entier au sortir de ces conférences, en se félicitant d’avoir fixé, tous ensemble, des objectifs ambitieux. Mais sitôt rentrés chez eux, ces mêmes dirigeants politiques affrontent les pressions en sens contraire. On leur réclame des exemptions pour cause de maintien des emplois dans tel secteur d’activité, ou de concurrence de la part de pays ne respectant pas les mêmes normes environnementales. Des fonctionnaires chargés de contrôler le respect des normes sont invités à ne pas faire de zèle en échange de pots-de-vin.
Dans les pays en développement, on comprend mal pourquoi on devrait polluer moins aujourd’hui que les grands pays industrialisés l’ont fait eux-mêmes il y a cinquante ou cent ans pour en arriver au niveau de vie qui est celui de leur population aujourd’hui…
En France, ne l’oublions pas, le mouvement des Gilets Jaunes a été déclenché par l’annonce d’une hausse régulière et programmée des taxes sur les carburants, visant à en dissuader l’usage. Expérience qui rend les autres gouvernements méfiants. En l’état actuel des choses, les énergies carbonées sont relativement bon marché. Les gens ne voient pas pourquoi ils s’en priveraient. L’intérêt individuel rentre ici en contradiction avec celui de l’humanité tout entière.
Comment en sortir ?
Sa solution serait une taxe mondiale sur les émissions carbonées. Elle aurait pour avantage de peser à la fois sur les producteurs et les consommateurs de pétrole. Les premiers seraient incités à réduire leur production en renchérissant leurs coûts d’extraction, et les seconds à privilégier les énergies non fossiles. « Même les gouvernements climatosceptiques y trouveraient leur compte, ajoute notre expert, car le montant de cette taxe mondiale leur serait restitué. »
Et une taxe mondiale rencontrerait – je cite – moins d’opposition politique que les mesures prises au niveau national – comme la taxe sur le gasoil en France, car les consommateurs ne seraient pas les seuls à en supporter le poids. » « Il peut exister “des tensions”, relève le FMI dans un rapport récent, préconisant une taxation à 70 dollars la tonne d’émissions de gaz à effet de serre “entre l’efficacité et l’acceptabilité” d’une taxe carbone.
Les Suédois ont été parmi les premiers à introduire une taxe carbone. Ils l’ont instituée en 1991, et elle est actuellement fixée à 114 euros la tonne, contre 44,6 euros chez nous en France. Résultat : aujourd’hui, rappelle Fabrice Flipo, sur le site The Conversation, la Suède dépend moins des combustibles fossiles que la France : ils représentent environ 30 % de son bilan en énergie primaire (l’énergie produite sur son territoire) contre 50 % pour notre pays. » Et son bilan énergétique est passé de 70 % d’énergies fossiles dans les années 1970 à 30 % aujourd’hui.
Mais cette bonne conduite apparente a coïncidé avec la tertiarisation de son économie. Moins on a d’industries, moins on pollue chez soi. L’une des explications, avec le nucléaire de la « vertu » relative française : si nous polluons deux fois moins que les Allemands, c’est aussi que nos industries sont moins nombreuses. Mais en important des produits manufacturés, on contribue à la pollution globale. Celle qui compte.
L’expérience canadienne paraît concluante
Selon Kathryn Harrison, professeure d’économie à l’Université de Colombie britannique, la taxe carbone que vient de mettre en œuvre le Canada semble satisfaire tout le monde. D’une part, elle relève de la compétence de chaque province, avec un « garde-fou » fédéral. Elle est faible au départ, mais va augmenter progressivement, à un rythme connu d’avance. Elle s’applique à égalité sur les entreprises et sur les ménages.
Elle constitue clairement une incitation à consommer moins d’énergie en faisant des efforts d’isolation des habitations, à grouper les déplacements. Un crédit d’impôt permettra d’alléger la charge en fonction du nombre de personnes résidant sous un même toit. Au Canada, tout le monde a compris que « la taxe carbone n’est pas une punition pour mauvaise conduite, mais plutôt un signal-prix encourageant les gens à réduire leur consommation d’énergies fossiles. »
Crédits : France Culture