Enfants, on les traitait d’intellos. Dans le monde du travail, on les appelle les talents ! Qui sont-ils vraiment, ces agités du ciboulot ? Quelles valeurs apportent-ils en entreprises ?
Perfectionnistes, persévérants, exigeants, dotés d’un esprit créatif et novateur, ils proposent des solutions originales pour résoudre des problématiques complexes. Décelant facilement la moindre faille de raisonnement ou le moindre dysfonctionnement, ils sont pourtant souvent en proie au doute et développent pour la plupart ce qu’on appelle le syndrome de l’imposteur (1).
Dans l’inconscient collectif, on imagine le surdoué avec un look « premier de la classe », des lunettes en cul de bouteille nichées sur le bout du nez, arrogant, pédant, un brin moralisateur. Et cette image lui colle à la peau depuis sa plus tendre enfance : En cause, sa curiosité naturelle, ses centres d’intérêt un peu particuliers, son côté « je sais tout », et son vocabulaire trop riche.
Etre intello, c’est mal perçu dans les cours de récré : Ses camarades l’évitent, le raillent : blessé et déjà conscient des ses différences sans pouvoir les expliquer ni même y remédier, il se sent frustré, incompris, inadapté. Il agit alors comme un véritable caméléon, développant des stratégies d’adaptation pour se fondre dans la masse, renonçant à être lui-même pour se conformer à ce que les autres attendent de lui. Objectif : se faire accepter.
Les recruteurs quant à eux l’imaginent sortant de grandes écoles, bardé de diplômes. Bien souvent, son cursus scolaire et son CV témoignent du contraire : Qui dit surdoué ne dit pas forcément parcours brillant. En effet, les surefficients sont pour la plupart des autodidactes qui semblent multiplier les expériences professionnelles autant que leurs hobbies, allant jusqu’à changer totalement d’orientation professionnelle en cours de route, ce qui, au regard des employeurs, ne constitue pas forcément un atout. A tort…
Touche à tout, il aura besoin d’explorer de nouvelles activités tant sur le plan personnel que professionnel. Ce qu’on prendra pour de l’instabilité ne révèle en fait qu’une incapacité à travailler sur des tâches répétitives. Il a constamment besoin de s’accomplir dans de nouvelles missions et d’être sollicité sur de vrais challenges, faute de quoi, il s’ennuie. Pour exploiter au mieux ses capacités, confiez-lui des activités à développer, des réorganisations à mener ou des projets à mettre en place, épanoui dans l’action, vous aurez alors affaire à un véritable bourreau de travail. Grâce à sa pensée en arborescence, il a un raisonnement global et intuitif : Il réfléchira non seulement aux enjeux, mais aussi à tous les détails qui pourraient faire échouer le processus, de manière logique, séquencée, comme un ordinateur auquel on injecte des données à analyser.
Lorsqu’il est confronté à un sujet qu’il n’a jamais abordé, si celui-ci le passionne, il pourra devenir un véritable expert en quelques jours seulement. Tel le boulimique, il engloutit une à une toutes les informations qu’il trouve, écumant les ouvrages avec avidité jusqu’à en extraire le moindre petit détail. Et cette boulimie ne prendra fin que lorsqu’il aura la sensation d’avoir exploré tout ce qu’il avait à savoir sur le sujet, repu. Bien souvent, on le verra s’intéresser à des domaines aussi variés que la mythologie, les sciences (mathématiques, astrophysique, biochimie…), la politique, la psychologie, l’anthropologie, la littérature, l’histoire de l’art… Et contrairement aux idées reçues, ce n’est pas pour être plus intelligent qu’il ingurgite tout ce savoir : il est tout simplement incapable d’agir autrement. Il est d’ailleurs le premier à en souffrir. Il n’est pas rare de l’entendre dire qu’il préférerait être normal et qu’il donnerait n’importe quoi pour trouver le bouton « off ».
Ce fonctionnement se retrouvera également dans le monde du travail. Un peu extra-lucide, grâce à sa curiosité maladive et à sa mémoire phénoménale, il perçoit facilement les événements à venir et leurs conséquences. Il saura quelles voies emprunter sans pour autant pouvoir les argumenter de manière rationnelle, ce qui amènera parfois ses collaborateurs ou ses responsables à douter de lui. Se sentant frustré et incompris, il sera alors confronté au syndrome de Cassandre (2). En effet, là où la plupart des « normopensants » acquièrent leurs compétences à force d’apprentissages académiques et de répétitions dans l’accomplissement d’une tâche, le surdoué quant à lui, possède des dons innés qui ne s’appuient sur aucune connaissance particulière, IL SAIT, C’EST TOUT. En lui faisant confiance, vous obtiendrez le meilleur de lui-même !
Employeurs, RH, agences d’intérim, chasseurs de têtes, recruteurs de tous bords, Vous avez aimé les sous-doués en vacances ? Et si vous essayiez les surdoués au travail ? S’il vous arrivait encore de tomber sur un CV atypique aux compétences multiples, réfléchissez-y à deux fois avant de l’écarter. Si celui-ci ne répond pas aux normes attendues, c’est peut-être que vous avez affaire à une personnalité hors norme qui apportera une vraie valeur en entreprise.
(1) Syndrome de l’imposteur : appelées aussi syndrome de l’autodidacte, les personnes qui en sont atteintes expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel. Ces personnes rejettent donc plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent le succès de leurs entreprises à des éléments qui leur sont extérieurs (la chance, un travail acharné, leurs relations, des circonstances particulières). Elles se perçoivent souvent comme des dupeurs nés qui abusent leurs collègues, leurs amis, leurs supérieurs et s’attendent à être démasquées d’un jour à l’autre. » (Source : Wikipedia).
(2) Syndrome de Cassandre : le syndrome de Cassandre est une expression tirée de la mythologie grecque. Cassandre avait reçu le don de Prophétie et la malédiction de ne jamais être crue.
Béatrice Duka