Matthew B. Crawford : « la dégradation du travail est une question cognitive, qui s’enracine dans la séparation entre le faire et le penser »

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Chercheur à Institute for Advanced Studies in Culture à l’Université de Virginie, Matthew B. Crawford a quitté ses fonctions de directeur d’une fondation pour ouvrir un atelier de réparation de motos.

« De nos jours, il est fréquent que les individus considèrent que leur « véritable personnalité » s’exprime dans les activités auxquelles ils consacrent leur temps libre. Conformément à cette perception, un bon travail est un travail qui vous permet de maximiser les moyens de poursuivre ces autres activités à travers lesquelles la vie a enfin un sens. Le vendeur d’hypothèque travaille dur toute l’année avant de s’offrir des vacances au Népal pour escalader l’Everest. Au niveau psychique, la fixation hyperbolique sur cet objectif lui permet de tenir le coup pendant les mois d’automne, d’hiver et de printemps. Les sherpas semblent comprendre leur rôle dans ce drame intime et s’efforcent de faciliter avec discrétion son besoin de confrontation nue et solitaire avec le Réel.

Il y a déconnexion totale entre son existence au travail et ses loisirs : dans la première, il accumule de l’argent ; dans le cadre des seconds, il engrange des nourritures psychiques. Les deux dimensions de son existence sont codépendantes et aucune ne serait possible sans l’autre, mais la forme que prend cette codépendance et celle d’une espèce de négociation entre deux subjectivités différentes plutôt que celle d’un tout cohérent et intelligible. »


Matthew B. Crawford, Eloge du carburateur, La découverte, 2016.

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