De petites communes rurales sont en train de mourir., non pas parce qu’elle manque de richesse, mais parce qu’elles souffrent d’un manque d’activités économiques et de financements adaptés à leur développement. Dans les villes, des citadins aspirent à changer de vie et à rejoindre les campagnes. Le projet TERA permet de remédier à ces deux problèmes. Mais ce qui manque pour y arriver, ce sont les capitaux patients à intérêts modérés.
Vertueux et ambitieux. Voilà les qualificatifs que l’on peut utiliser pour décrire le projet TERA. Vertueux par sa dimension tout à la fois économique, sociale et écologique. Ambitieux par le projet de transformation radicale (dans le sens de racinaire et non extrémiste) dont il est porteur. Le problème qui se pose, c’est comment financer un tel projet ? Relocaliser la production en respectant les exigences sociales et environnementales implique un niveau de rentabilité financière plus faible que celui d’une entreprise classique. Et c’est là que le bât blesse. Du fait qu’elles vont œuvrer sur des territoires à faible densité, qu’elles créent de la valeur écologique et sociale non valorisée par le marché les entreprises vont devoir augmenter leurs charges fixes et décaler l’atteinte de leur seuil de rentabilité dans le temps. Ainsi cette rentabilité écologique et sociale a un coût qui vient baisser à terme leur rentabilité financière.
Moindre rentabilité
« C’est cette moindre rentabilité qui fait problème aujourd’hui dans le système actuel, déplore Frédéric Bosqué. Tout notre système repose sur une rentabilité forte et immédiate des capitaux engagés. Elle est contre-productive quand on prend en compte la nécessaire rentabilité écologique et sociale de nos vies. Si on veut prendre en compte ces enjeux, en particulier dans les communes rurales, nous savons très bien qu’on ne pourra pas donner autant à la rentabilité financière. Dans le cadre d’un l’écosystème coopératif territorial comme TERA, il faut forcément puiser du côté de la rentabilité financière pour financer les activités écologiques et sociales. Une entreprise ne peut vivre seule à la campagne. Elle doit être intégrée à un écosystème composé d’entreprises, de collectivités et d’associations. Cet écosystème coopératif territorial aura forcément une rentabilité financière moindre et des durées de retour sur investissement plus longues ; pour relocaliser ces activités vitales à nos territoires ruraux, notre stratégie au sein du projet TERA est donc de collecter des dons défiscalisables pour amorcer ces activités, puis des subventions d’exploitation et d’investissements pour les renforcer et enfin des capitaux patients à intérêts modérés pour assurer leur déploiement sur le long terme. »
Or la très grande majorité des financeurs institutionnels ne sont pas prêts à consentir à cet effort. Les volontaires de TERA ont essayé de les en convaincre au cours de plus de 150 Rendez-vous, sans succès. Le système financier est aujourd’hui incapable de s’adapter. « Ce qui est fou, c’est que ça permettrait de relocaliser des productions vitales aux habitants de nos campagnes et donc des activités économiques sources de revenus durables pour leurs habitants, leurs entreprises et leurs collectivités territoriales ». Les activités financées seraient viables économiquement, mais le niveau de rentabilité attendu est tel qu’on préfère les étouffer dans l’œuf. Faute de financements adaptés, le potentiel de développement économique, social et écologique immense de nos communes rurales est sacrifié.
La difficulté à financer l’innovation sociale
Un réseau de petites communes qui produirait des biens et services en circuit court tout en respectant la nature constituerait pourtant un atout majeur pour changer de civilisation et répondre aux défis écologiques et énergétiques. Mais non. Alors que la transition écologique semble au cœur des préoccupations, du moins dans les plaquettes commerciales des banques et autres institutions financières, il s’avère dans les faits difficile, voire impossible, de financer l’innovation sociale dans notre pays.
Une levée de fond est en cours pour trouver des financements autres que ceux des acteurs traditionnels qui n’arrivent pas à lâcher sur leur niveau de rentabilité. Alors qu’en plus d’un an, 50 intermédiaires financiers publics, privés et de la société civile, malgré leur intérêt pour ce projet « systémique » ont dit non à son financement, en trois semaines seulement, 846 000 euros ont été recueillis auprès de 256 citoyens-investisseurs volontaires pour baisser leur rentabilité financière au profit de plus de rentabilité sociale et écologique pour les habitants d’une petite commune rurale du Sud-Ouest, au bord du Lot.
La Fondation de France, qui soutient le projet depuis 5 ans, consciente que se joue ici plus que la construction d’un simple Quartier Rural en Transition, mais l’émergence d’un nouveau modèle économique, financier et social a apporté 700 000 euros complémentaires à ce projet. D’ailleurs, sur les 10 000 projets qu’elle finance par an, elle a fait de ce projet l’une de ses vingt « pépites 2020 ».
Avec les 500 000 euros déjà levés pour l’achat du terrain et le capital de la société coopérative à intérêt collectif qui pilote la construction de ce 1er Quartier Rural en Transition de France, c’est 2 millions d’euros qui ont été ainsi collectés soit 75 % du financement de la 1re phase du projet.
Sur la bonne voie
Si elle trouve les 25 % du financement restant, dès juin 2023, cette coopérative de revitalisation rurale, dont la commune fait partie avec 54 autres sociétaires, va lancer la construction sur ce terrain de son Centre d’Écoconstruction, de Ressources et de Formation (CERF). Il sera la cheville ouvrière de la construction des autres bâtiments de ce quartier Rural essaimable qui comptera une trentaine d’habitants. Ils y produiront, avec leurs partenaires locaux, ce qui est vital à leur territoire de vie et à ses habitants : alimentation saine, eau potable, énergie renouvelable, bâtiments durables à usage d’habitation ou professionnels, recyclage des déchets organiques, véhicules en partage et tout un ensemble de services autour de la transition et de la culture.
L’expérimentation se concrétise donc aujourd’hui à Trentels, dans le Lot-et-Garonne, dans le quartier de Lustrac (4 hectares). « Nous avons commencé par une ferme permacultures et polyactivités sur une première commune, puis continué par une épicerie d’une quarantaine de producteurs locaux sur une seconde. Sur une troisième, nous avons travaillé à la création d’une coopérative de production d’énergie renouvelable pour une centaine de foyers. Toutes ces productions et ces services sont reliés par une monnaie citoyenne locale numérique qui nous permet d’avoir des volumes beaucoup plus importants qu’une monnaie papier et d’en tracer les flux et les stocks afin d’en mesurer et ajuster les impacts sur les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. En quelques années, 90 personnes en transition, avec une moyenne d’âge de 38 ans (là où la moyenne se situe davantage à 55 ans) sont venues vivre, entreprendre et investir dans nos petites communes rurales. Ils sont la preuve qu’une véritable revitalisation a été amorcée… ».
Le projet est donc en bonne voie. Reste à passer à la vitesse supérieure avec la construction du CERF qui va bientôt sortir de terre et ce premier quartier Rural en transition de France à Lustrac.
Contact : contact@tera.coop et contact@lustrac-en-transition.coop