L’intrapreneuriat ou comment réengager les collaborateurs au sein de l’entreprise

ofer 1
Ofer Attali

Encore trop peu pris au sérieux par les collaborateurs, l’intrapreneuriat nécessite de se voir allouer de vrais moyens par l’entreprise pour développer cette démarche et dégager un ROI.

En théorie, les intrapreneurs sont des collaborateurs qui se voient allouer des ressources humaines (des compétences et de l’expertise), financières (un budget consacré) et matérielles (par exemple l’accès à des unités de fabrication) pour monter une activité qui assurera un ROI** à leur entreprise. Dans les faits, les intrapreneurs ne disposent que rarement de l’ensemble des moyens nécessaires à une démarche leur permettant d’aller au bout de leur projet. C’est ce décalage entre promesse et réalité qui explique pour bonne part la difficulté de l’intrapreneuriatà séduire les collaborateurs.

Comment faire accepter l’innovation aux managers ?

Comment, donc, expliquer ce décalage ? Par la difficulté pour les entreprises à créer de la nouveauté en s’appuyant sur des processus standards de création, sans perturber lesdits processus.

Cette difficulté peut s’illustrer avec l’exemple d’un cabinet d’audit, qui doit diversifier son activité pour faire face à l’arrivée de l’IA et d’une concurrence technologique. Les dirigeants décident alors de solliciter leurs collaborateurs pour créer de nouveaux services, grâce à leur connaissance directe des attentes des clients. Mais, une fois ces nouveaux services proposés, ceux-ci doivent être soumis à l’épreuve de la réalité, donc intégrés au catalogue d’offres du cabinet. C’est généralement à cette étape qu’un blocage naît, émanent souvent de managers qui craignent que cette innovation vienne perturber le fonctionnement « normal » du cabinet et sa relation avec ses clients.

Cette levée de boucliers est compréhensible, car les managers ont la charge d’assurer la performance de l’entreprise, qui a partie liée à sa stabilité. Le propre d’un bon manager est précisément d’éviter ou, a minima, de maîtriser la prise de risque. Or, l’innovation implique fondamentalement un dérangement de l’ordre établi par l’introduction d’un élément disruptif.

Impliquer ses collaborateurs dans l’avenir de l’entreprise

La difficulté de l’intrapreneuriatà émerger n’est pas tant à déplorer pour l’innovation perdue (car les entreprises savent innover autrement) que pour l’occasion manquée de transformer l’entreprise elle-même. La grande valeur de la démarche d’intrapreneuriat est en effet moins de créer des services innovants que de transformer la culture de l’entreprise pour susciter de l’engagement.

Les entreprises françaises sont aujourd’hui confrontées àun problème majeur de désengagement : moins de 6 % des salariés seraient engagés au travail ; soit l’un des taux les plus bas d’Europe de l’ouest****. La cause ? Une tradition de méfiance des salariés à l’égard de leurs entreprises, perçues comme directives et « exploiteuses ». Il faut à tout prix redorer l’image des entreprises, en partageant avec les collaborateurs une vision, des objectifs et des bénéfices.À défaut, le risque est grand d’arriverà des situations de blocage et de conflits sociaux, dont l’actualité offre malheureusement trop d’exemples.

S’il est bien fait, un programme d’intrapreneuriat peut permettre de réengager les collaborateurs. Sa simple mise en place traduit déjà en elle-même une démarche humble de la part des dirigeants, et permet de donner aux collaborateurs le sentiment qu’ils leur font confiance, et veulent les voir jouer un rôle actif dans la construction de ce projet collectif qu’est une entreprise.

Traiter l’intrapreneuriat comme une business unit

La bonne nouvelle est qu’il n’y a véritablement qu’une seule chose à changer pour que les programmes d’intrapreneuriat soient pris au sérieux par les collaborateurs et aient un impact sur la culture d’entreprise. Il faut les considérer comme desbusiness unit à part entière ; c’est-à-dire des démarches professionnelles qui doivent générer du ROI et donc se voir allouer des objectifs chiffrés et un budget en conséquence.

Cet investissement est fondamental pour convaincre les collaborateurs de la volonté de l’entreprise à aller au bout du programme, et les encourager ày participer. L’intrapreneuriat n’aura de réel impact sur la culture d’entreprise qu’avec des objectifs et un budget, qui achève de convaincre de la sincérité de la démarche et donne donc le sentiment que l’entreprise change de paradigme. Au lieu d’une approche descendante*, on passe à une prise de décision collaborative stratégique qui reste, bien entendu, entre les mains des décideurs, mais intègre désormais une dimension ascendante***.

Le besoin de démarche ascendante et « ROIste »en entreprise trouve son écho dans la sociétécivile, oùl’on assisteà la revendication de davantage de référendums et de consultations citoyennes ainsi qu’à davantage de résultats concrets. Le digital, qui ouvre un canal d’échanges accessible et permanent, peut être d’un grand secours pour répondre à ces demandes. Ce canal permet de capter les bonnes initiatives et d’être transparent dans la sélection des propositions. La combinaison d’une démarche ascendante et d’outils digitaux peut donc être la clef pour réengager les personnes, citoyens ou collaborateurs, en les associant réellement aux prises de décision.


* Une approche descendante (outop down en anglais), part du sommet d’un organisme pour descendre jusqu’à son niveau le plus bas.

** ROI : Retour sur investissement

*** Une approche ascendante (ou bottom up en anglais) part de l’échelon le plus bas d’un organisme pour remonter jusqu’au sommet.

****Engagement de salariés en Europe de l’Ouest selon le dernier rapport mondial de Gallup (décembre 2017).


Ofer Attali, CEO de Ayno.

Partager cet article