Véronique Alibert est Chargée d’Affaires Entreprises Innovantes et référente Innovation au sein de la Caisse d’Epargne Languedoc-Roussillon. L’occasion de parler de financement de l’innovation et d’accompagnement des start-ups.
En quelques mots, quel est votre parcours ?
Après une maîtrise AES et un MBA, j’ai rejoint la banque. D’abord la Société Générale à Paris et en région parisienne. Puis j’ai eu l’opportunité de regagner le sud de la France et de rejoindre la Caisse d’Epargne Languedoc Roussillon. J’ai occupé différents postes : Référente sur le marché des Professionnels, Directrice d’Agence, Chargée d’Affaires Entreprise, puis aujourd’hui Chargée d’Affaires Entreprises Innovantes au sein du dispositif Néo Business.
À qui s’adresse le dispositif Néo Business ?
Néo Business est un dispositif d’accompagnement et de financement qui s’adresse aux entreprises innovantes. Nous soutenons ces entreprises qui ont des besoins et des attentes spécifiques différentes des entreprises « classiques » : besoins en capitaux, structure de haut de bilan, financement du développement et de la recherche, intégration et visibilité dans l’écosystème French Tech.
À travers ce dispositif, nous proposons une mise en relation avec des acteurs du capital-risque innovation afin de renforcer leurs fonds propres, mais aussi du financement dédié à l’innovation pour des investissements matériels et immatériels en partenariat avec le Fonds Européen d’Investissement (FEI). Des solutions sont également proposées pour anticiper le remboursement du CIR (avance, mobilisation de créances), le développement à l’international et pourquoi pas la préparation d’une introduction en bourse. Nous travaillons en partenariat avec tous les acteurs de l’écosystème French Tech, souvent en pool avec Bpifrance et les autres banquiers pour mettre en place des solutions adaptées à chaque stade de développement de la start-up.
Quelle est la première question que vous posez aux dirigeants de ces entreprises ?
La première question importante : « êtes-vous accompagnés par un pôle de référence (pôles de compétitivité, SATT, Incubateurs…) ? » Cela permet de valider la démarche ; nous disposons alors de référentiels. La seconde question que je pose, c’est celle qui cherche à repérer à quelle étape se situe l’entreprise. En phase de création, elle a besoin de conseils et de réseaux d’entreprises. En phase de démarrage et de développement, je pose des questions plus spécifiques sur son modèle économique, sa traction commerciale, son plan de financement… : « Avez-vous réussi à convaincre votre entourage ? » Apporter de la love money, c’est déjà franchir un premier pas, c’est déjà prouver qu’on a réussi à persuader sa famille ou ses amis de la pertinence de son projet. « Quelle somme avez-vous injectée dans votre entreprise ? », « Avez-vous levé des fonds auprès de Business Angel ou d’un Venture Capital ? », « Quelles sont les aides (prêts d’honneur, aides publiques, concours) obtenues à date ? Et notamment avec Bpifrance ? », « Quelle est votre consommation de cash ? », « Vos prévisions d’investissements ? »… C’est vraiment un schéma coopératif entre nous, banquiers et la start-up, où nous abordons tous les sujets fondamentaux qui nous aident à calibrer le bon mode de financement que nous pourrons mettre en place. Tous ces éléments sont importants pour valider la traction commerciale et permettront de faire jouer les effets de levier.
Un projet récent que vous avez soutenu et qui vous a marqué ?
Question difficile, car je suis très investie auprès de tous mes clients. Ils sont tous uniques ! Comme nous parlons beaucoup de santé en ce moment, je pense particulièrement à SeqOne, une entreprise créée en 2017, qui propose une plateforme d’aide à la décision pour l’analyse des tests génétiques aux laboratoires de biologie médicale. Ce sont 3 années d’accompagnement afin de prévoir le cash nécessaire, jalonner tous les stades de financement. Emergente de la SATT AxLR, la start-up est aujourd’hui implantée au CHU de Montpellier et a été lauréate du concours ILAB de BPI (200K€ de subvention). L’entreprise a été incubée à Cap Omega, un incubateur de référence en France et dans le monde. Nous l’avons soutenue dès la création et avons mis en place un prêt innovation de 150 000 euros en 2018. Avec un plan de financement bien respecté et une belle traction commerciale, SeqOne a réussi sa levée de fonds d’un montant de plus de 3 M€ dès 2019, avec notamment SORIDEC (Fond d’Investissement régional filiale de la Caisse d’Epargne Languedoc Roussillon). En 2020, dans cette période de crise sanitaire, nous avons poursuivi notre soutien à SeqOne par la mise en place d’un PGE et un report d’échéance de crédit, en pool avec un autre établissement bancaire et BPI. SeqOne a vu son CA doublé depuis 2020 et débute sa phase d’accélération à l’international.
À quoi êtes-vous particulièrement vigilante ?
Au leadership du porteur de projet et à sa capacité de convaincre des investisseurs, et d’embarquer les autres dans son projet. Je suis également attentive au fait que le business plan qui m’est proposé soit bien celui du dirigeant, et non uniquement de l’expert-comptable. Et puis bien sûr je cherche à comprendre comment l’entrepreneur va piloter sa trésorerie, la notion de cash étant un critère primordial, que nous regardons très attentivement.
Quels sont les conseils pratiques à donner aux start-ups ?
Se mettre en relation avec des investisseurs pour lever des fonds c’est bien, mais il faut également en parallèle contacter un partenaire bancaire, spécialisé dans l’innovation. La crise actuelle met aussi en évidence le fait que les banques ont été et restent aux côtés de toutes les entreprises, dont les start-ups, pour les accompagner, notamment dans le montage des dispositifs d’aides actuelles de l’Etat : mise en place du PGE, report d’échéances sur les prêts, financement des investissements en innovation, solutions d’affacturage… Ces dispositifs que nous avons mis en place avec nos clients, leur ont permis d’avoir un peu plus de souplesse dans leur trésorerie. À l’heure actuelle, l’indicateur de cash est encore plus regardé par les banques. C’est avec cette vision partagée de cette consommation de trésorerie que nous pourrons accompagner l’entreprise à se transformer, à pivoter, à anticiper ses investissements. Les fondamentaux des critères d’accompagnement n’ont pas changé dans leur globalité, cependant la crise sanitaire rajoute une incertitude économique et de remboursement de la dette bancaire d’un volume inédit sur les start-ups qu’il faudra intégrer sur les prochaines années.