Depuis 2010, l’association nantaise agit pour la réinsertion des personnes placées sous main de justice. Un engagement au le long cours. Mais qui porte ses fruits.
L’accompagnement contre la récidive. Ce pourrait être la profession de foi de Permis de Construire. Fondée en 2010, cette association nantaise agit pour la réinsertion des personnes “placées ou passées sous main de justice”, expression désignant les personnes incarcérées, faisant l’objet d’une peine alternative à la prison, d’un aménagement de peine, ou bien récemment libérées. Objectif : les épauler dans leur parcours de sortie de peine en travaillant sur la valorisation de soi, l’occupation et la réappropriation mentale de l’idée même d’emploi. «Le temps carcéral gagne largement en efficience dès lors qu’il peut s’inscrire dans une logique de préparation à une future intégration professionnelle», soutient Ludovic Dardenne, directeur de l’association.
L’entrée dans le processus d’accompagnement est soumis à trois prérequis : l’envie, la capacité d’engagement, la perception de l’utilité de la démarche.
Créée par un entrepreneur engagé, Cyril Maury, Permis de Construire accueille chaque année une petite centaine de personnes âgées de 18 à 60 ans, la plupart sur recommandation du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Nantes. «L’entrée dans le processus d’accompagnement est soumis à trois prérequis : l’envie, la capacité d’engagement, la perception de l’utilité de la démarche», précise Ludovic Dardenne.
Une fois ces préalables satisfaits, pas de condition imposée quant à la durée du parcours : certains parviendront à amorcer leur projet professionnel ou personnel au bout de trois mois, d’autres auront besoin de trois ans. 61% des personnes suivies sortent du parcours avec un projet valide. En 2018, 17 personnes sur 88 ont quitté l’association en emploi.
Un taux de récidive inférieur à 5%
Permis de Construire affiche un taux de récidive inférieur à 5%. Résultat d’autant plus probant qu’en France, la récidive concerne 40,8% des personnes condamnées pour délit (chiffres de 2017). Un score élevé – deux fois supérieur à celui des pays nordiques – que les experts du fait judiciaire expliquent en partie par le poids des peines d’emprisonnement dans le système de sanction. La privation de liberté et le choc carcéral constituent en effet des facteurs de déstructuration qui compromettent fortement la réhabilitation. A fortiori quand près de la moitié des personnes détenues n’a aucun diplôme.
Pour parvenir à ce résultat, Permis de Construire, qui dispose d’un budget de 200 000 euros, a développé un séquençage méthodologique très largement inspirée du protocole ADVP (“activation du développement vocationnel et personnel”) : accueil, évaluation, validation, définition du projet, construction personnelle et réalisation d’un plan d’action.
L’association passe un contrat d’objectif avec les personnes accompagnées, avant de leur proposer un calendrier précis d’ateliers pratiques autour de thématiques professionnelles, culturelles, sociales. A chacune d’elles ensuite de se faire l’architecte de sa propre orientation, de choisir les outils pour mener à bien son projet. Chez Permis de Construire, les personnes accompagnées sont d’ailleurs appelées “pilotes”.
Rapprochement avec le monde de l’entreprise
L’association s’appuie sur un réseau de professionnels, consultants, managers, chefs d’entreprise, qui viennent partager leur expérience. Dirigeante de deux cabinets spécialisés dans la transaction et la création d’entreprise, Jacquie Braud-Lecardeur, est engagée depuis plusieurs années auprès de l’association, aujourd’hui comme membre du conseil d’administration, hier comme intervenante auprès des personnes accueillies, qu’elle a pu accompagner jusqu’à deux demi-journées par mois autour de sessions de simulation d’entretiens de recrutement. « Je conseille les patrons de PME depuis des années, je connais donc à la fois le monde de l’entreprise et les rouages de l’accompagnement individuel », explique-t-elle.
Mais tisser des liens durables avec la sphère professionnelle n’est pas si simple. L’ombre portée de la prison agit bien souvent comme un frein dans le passage du Rubicon. Les employeurs, notamment, redoutent d’avoir à gérer des comportements pas toujours en phase avec les codes bien réglés du monde de l’entreprise. La prison fragilise et désoriente, jusqu’à faire perdre toute estime de soi.
« Notre objectif est de convaincre davantage de partenaires, institutionnels comme entreprises. Nous avons ainsi tissé des liens avec des réseaux comme Dirigeants Responsables de l’Ouest, Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens, ou le Centre des Jeunes dirigeants de Loire-Atlantique », précise Ludovic Dardenne.
En 2020, l’association vise un nouveau cap : essaimer son modèle sur d’autres territoires.