La guerre en Ukraine et l’acuité du réchauffement climatique placent au cœur des débats la transition énergétique. Son coût se chiffre pour les pays de l’OCDE à plusieurs milliers de milliards de dollars par an d’ici le milieu du siècle pour substituer les énergies renouvelables aux énergies carbonées. Quels seront les catalyseurs de cette révolution ? Comment les marchés financiers, le risque de réputation pour les entreprises, la politique des banques centrales, la contrainte réglementaire ou les incitations fiscales et budgétaires des pouvoirs publics, le signal prix avec l’augmentation du prix des émissions carbone, impactent-ils cette transition ?
Les banques, les investisseurs institutionnels ainsi que les fonds d’investissement de la zone euro, poussés par leurs actionnaires, leurs clients ou de leur propre initiative, privilégient le financement d’investissements verts ou en faveur de la transition énergétique. De 2017 à 2022, l’encours des obligations vertes est passé de 200 à 2 000 milliards d’euros à l’échelle mondiale. Les émissions de crédits verts sont de leur côté passées de 35 à 80 milliards d’euros. L’encours des obligations de transition a atteint 250 milliards d’euros en 2022, contre moins de 50 milliards d’euros en 2017. Cet essor doit être relativisé, car l’écart de taux entre les obligations dites normales et celles qualifiées de vertes est faible.
Les entreprises réalisent leur transition énergétique (passage d’une source d’énergie brune à une source d’énergie verte, d’un mode de transport brun à un mode de transport vert, d’un emballage brun à un emballage vert) sous la contrainte de la régulation, en raison d’incitations, mais aussi sous le seul effet de la recherche de réputation. La pression des Organisations non gouvernementales, des associations de consommateurs, de l’opinion peut les amener à accélérer leurs programmes d’investissement. Force est de constater que, depuis 2013, les entreprises augmentent leurs dépenses d’investissement en matière de transition énergétique. Elles sont passées de 0,4 à 1,2 % du PIB à l’échelle mondiale. En vingt ans, les émissions de CO2 des entreprises de la zone euro ont diminué de 25 %. Il convient de noter qu’une partie de cette réduction a été rendue possible par les délocalisations.
La Commission européenne et les différents États membres de l’Union ont mis en place une série de régulations, en particulier sur les rénovations thermiques des logements, sur les ventes de voitures thermiques et sur le remplacement du fioul maritime, etc. Ces réglementations contribuent clairement à accélérer la transition énergétique, par exemple en aidant au développement des voitures électriques. En Europe, la part des voitures électriques dans les ventes globales est passée de 3 à 18 % de 2017 à 2022.
Les États peuvent contribuer directement à la transition énergétique en réalisant des infrastructures de transports publics, des investissements dans les énergies renouvelables ou la rénovation thermique des édifices publics, etc. En France, par exemple, « France 2030 » et le Programme d’Investissement d’Avenir consacrent 34 milliards d’euros essentiellement à la transition écologique.
Plus d’intervention des Etats
Pour inciter les acteurs privés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les États de la zone euro ont multiplié les incitations financières à la transition énergétique. Au niveau des entreprises, les États participent au développement de filières batteries ou hydrogène vert. Pour les ménages, des aides financières à la rénovation thermique des logements ou à l’acquisition de véhicules propres ont été instituées.
Pour favoriser la transition énergétique, les pouvoirs publics peuvent également jouer sur le signal « prix ». Actuellement, sur le marché européen, le prix de la tonne de carbone émise est d’environ 70 euros. Les travaux académiques estiment que, pour être efficient, le mécanisme prix suppose que le cours de la tonne de carbone évolue autour de 200 euros. Compte tenu des coûts d’une telle taxe pour l’industrie, nul ne souhaite que le cours de la tonne de carbone n’atteigne un tel cours dans les prochains mois. Les pouvoirs publics privilégient une politique reposant sur plusieurs curseurs. Le rôle des marchés et la green-reputation semblent avoir un réel effet sur les entreprises. Pour les ménages, la réputation et les incitations financières sont les deux vecteurs de changement. Compte tenu de l’objectif de neutralisation des activités d’ici le milieu du siècle, une refonte des fiscalités sera sans nul doute nécessaire. La transition énergétique par son aspect éminemment réglementaire devrait donc aboutir à une nouvelle augmentation de l’interventionnisme des États.
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