La crise sanitaire accélère la montée en puissance de l’Asie qui arrive, du moins pour le moment, à mieux juguler l’épidémie et à maintenir voire à accroître ses capacités de production. Le poids économique des États de la zone Asie Pacifique devrait continuer de s’accroître dans les prochaines années.
Convaincus par la supériorité de leur modèle de développement reposant sur les échanges, quinze pays de cette zone ont signé, le 15 novembre dernier, un accord de partenariat régional économique global (RCEP pour Regional Comprehensive Economic Partnership) instituant le plus vaste espace de libre échange au niveau mondial. Parmi les quinze pays figurent notamment la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, l’Indonésie et le Viet Nam. En 2020, ces pays représentaient 32 % du PIB mondial (en parité de pouvoir d’achat), contre 22 % en 2002. Ils bénéficient d’une population active qui continue d’augmenter de plus d’un point par an quand elle diminue de 0,5 point pour le reste du monde. La croissance de la productivité par tête y est supérieure de deux points par rapport à celle du reste du monde. La croissance potentielle des quinze pays serait, pour les dix prochaines années, de 2 points supérieurs à celle du reste du monde (respectivement 4 % et 2 %). À ce rythme, l’Asie représentera 50 % du PIB mondial en 2043, inversant la situation qui prévalait avec l’Occident en 1990.
Cette forte croissance permettra à la Chine de passer du statut de pays en développement à celui de pays développé. Le seuil de basculement, retenu par la Banque mondiale, était de 12 536 dollars par habitant en 2019. La Chine dont le PIB par habitant était de 10 262 dollars en 2019 devrait franchir le cap des 12 500 dollars d’ici 2022. Pour le PIB global, la Chine rattrapera celui des États-Unis certainement en 2028. Quand le pays a adhéré à l’OMC, en 2001, son PIB était environ sept fois inférieur à celui des États-Unis. En vingt ans, il a été multiplié par vingt.
Montée en puissance dans les instances internationales
La poursuite du développement asiatique se traduira par des flux de capitaux croissants qui s’accompagneront d’une appréciation durable des monnaies. Les cours boursiers des entreprises asiatiques et de celles du reste du monde ayant une forte exposition à cette zone devraient augmenter. L’essor des marchés domestiques et l’augmentation rapide des revenus seront favorables au secteur du luxe.
Si des années 1940 aux années 2010, les pays occidentaux étaient déterminants dans la fixation des prix des matières premières et de l’énergie, ce sont désormais les pays asiatiques qui le sont. Les quinze États membres de l’accord de libre-échange réalisaient 65 % de la consommation des métaux précieux à l’échelle mondiale en 2020, contre 30 % en 2002. Pour le gaz naturel, leur poids est passé de 10 à 18 % sur la même période.
Les pays d’Asie, en premier lieu la Chine, pourront exiger un rôle plus important au sein des instances internationales. Ces demandes concerneront notamment le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. En cas de désaccord avec les États-Unis, la tentation de développer des structures de coopérations internationales qui leur seraient propres sera forte. La Chine devra renoncer assez rapidement à son statut de pays émergent, ce qui entraînera la perte d’avantages au niveau des échanges internationaux (statut de la nation la plus favorisée) tels que la possibilité de restreindre sans pénalité l’accès à son marché tout en bénéficiant des meilleures conditions pour accéder à ceux des autres États membres de l’OMC.