Depuis plusieurs semaines, le débat public se focalise de plus en plus sur la question du pouvoir d’achat. Selon le Gouvernement et l’INSEE, ce dernier est en forte augmentation depuis 2017 quand, dans le même temps, selon des enquêtes d’opinion, le ressenti des Français est tout autre.
L’augmentation des prix de l’énergie, de l’immobilier et de certains produits alimentaires pèse sur le niveau de vie des ménages même si, par ailleurs, leurs revenus n’ont pas été atteints par la crise sanitaire. En prenant comme base d’analyse, les données de l’INSEE, quelles sont les origines, en France, de l’augmentation du pouvoir d’achat lors de ces vingt dernières années ?
Depuis 1998, le revenu disponible réel des ménages français a augmenté de près de 50 %, soit une hausse moyenne de 2 % par an. Lors de ces deux dernières décennies, contrairement au ressenti de l’opinion publique, le pouvoir d’achat des Français a progressé plus vite que le PIB avec un écart qui atteint près de vingt points.
Faiblesse de l’inflation
La masse salariale réelle et le revenu disponible réel ont évolué parallèlement, avec un retard transitoire pris en 2012-2013 pour le revenu disponible. De 1998 à 2020, la masse salariale s’est accrue de 10 %. Depuis la crise des subprimes, la masse salariale réelle progresse non pas en raison de l’augmentation du nombre des emplois, mais grâce à celle des salaires. Sur la période, cette dernière est toujours supérieure à la hausse de la productivité par tête. Les salaires réels par tête ont augmenté de 27 % de 1998 à 2020, contre 16 % pour la productivité par tête. Jusqu’en 2019, le pouvoir d’achat des ménages a été tiré par la faiblesse de l’inflation, cette dernière étant inférieure à l’augmentation du PIB.
La contribution des revenus du capital (loyers, intérêts, dividendes) reçus par les ménages a fortement évolué lors de ces vingt dernières années. Jusqu’à la crise des subprimes, le revenu du capital progresse un peu plus vite que le revenu disponible. Depuis, ce dernier est en recul, en particulier avec la baisse des taux d’intérêt. Si de 1998 à 2008, la hausse avait atteint 40 % pour les revenus du capital des ménages en valeur réelle, depuis ils ont subi une contraction de près de 50 %. Leur poids au sein de l’ensemble des revenus des ménages est passé de près de 11 % à moins de 6 % de 1998 à 2018, après avoir atteint 12 % en 2007.
Une distribution inquiétante
Les transferts publics nets reçus par les ménages, c’est-à-dire le solde entre les prestations et aides reçues des pouvoirs publics et les prélèvements acquittés, étaient relativement stables entre 1998 et 2019. Ils ont progressé fortement avec la crise sanitaire. En brut, sans prendre en compte le paiement des cotisations sociales et les impôts, les transferts publics ont représenté 45 % de l’ensemble des revenus des ménages en 2020, contre 40 % avant crise. En net, les prestations en 2019 étaient à l’origine de 11 % des revenus des ménages. Ce ratio est monté à 20 % en 2020. Pour les Français dont les revenus figurent parmi les 10 % les plus modestes, les prestations nettes peuvent représenter plus de 40 % de leurs ressources. Ce taux est supérieur à 30 % pour ceux se situant dans le premier vingtile. A contrario, du fait de l’impôt sur le revenu, les transferts publics jouent en négatif pour les Français figurant dans le denier décile de la distribution des revenus.
En effet, les transferts publics sont de plus en plus financés par l’endettement et les augmentations de salaire ne sont pas la conséquence d’une amélioration de la productivité. Par ailleurs, le monde du travail est de plus en plus segmenté avec, d’un côté, des emplois à faible qualification et rémunération dont le nombre est en forte hausse et, de l’autre, des emplois à forte valeur ajoutée en nombre insuffisant pour accroître la productivité globale.