Depuis de nombreuses années, les entreprises et les États avaient eu tendance à diminuer leurs investissements. Au Royaume-Uni, en 2019, le niveau d’investissement des entreprises était inférieur de 15 % à celui des années 1990. Même si les bénéfices des entreprises avaient fortement augmenté depuis les années 1980, ces dernières consacraient une plus petite part de leurs flux de trésorerie aux dépenses d’investissement et à la recherche et développement, et davantage aux rachats d’actions et aux dividendes. L’attrition des dépenses en capital a contribué à la baisse de la productivité et donc à la stagnation de la croissance. Les États avaient également diminué depuis une vingtaine d’années les dépenses d’équipement.
Avec la pandémie, un changement de cap pourrait s’opérer. Ainsi, depuis un an, l’investissement des entreprises américaines augmente à un taux annuel de 15 %. Les grandes entreprises lancent des programmes de recherche et d’équipement. Le processus de digitalisation s’accélère. L’entreprise américaine de télécommunication ATT a décidé de dépenser 24 milliards de dollars pour moderniser ses réseaux quand Sony prévoit un accroissement de son budget d’investissement de 18 milliards de dollars. Les entreprises de microprocesseurs se sont engagées dans des dépenses de création de nouvelles usines afin de répondre à une demande croissante. Leurs dépenses en capital atteignent des niveaux jusqu’alors inconnus.
L’accumulation des plans de relance laisse entrevoir une augmentation sans précédent depuis les années 1970 de la demande intérieure des États. Les ménages ont accumulé depuis un an des sommes considérables, plus de 3 000 milliards de dollars pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Grâce aux mesures de soutien des États, leur niveau de vie n’a pas baissé, voire a augmenté comme cela a été constaté aux États-Unis ou en France. Après quinze mois d’épidémie, une soif de dépenses se fait jour sous forme d’achats plaisir. Les réservations pour la période estivale se situent à un très haut niveau malgré l’absence de la clientèle internationale. Les entreprises, face aux prévisions de croissance de la demande, investissent afin d’accroître leurs capacités de production, ce qui constitue un changement d’état d’esprit par rapport aux années précédentes.
Le boom des entreprises de technologie
La pandémie a également souligné l’essor de nouveaux modes de consommation avec le développement du e-commerce qui entre de plus en plus en concurrence avec les magasins traditionnels. Les détaillants de grande distribution investissent massivement dans les offres en ligne pour concurrencer Amazon, Cdiscount et les autres plateformes. Les restaurants continuent d’améliorer leur service de restauration à domicile même après leur réouverture. La digitalisation des activités sort renforcée des confinements. Elle a permis de maintenir l’activité dans de nombreux secteurs. L’essor du télétravail suppose de nouveaux équipements informatiques et des capacités supplémentaires en matière de réseaux. Les entreprises technologiques qui ont enregistré des résultats en forte augmentation en 2020 consacrent une part croissante de leur chiffre d’affaires à la recherche & développement pour répondre aux nouveaux besoins de leurs clients dans un marché concurrentiel. La hausse de l’investissement dans ce secteur d’activité devrait dépasser 30 % en 2021.
La transition énergétique avec l’augmentation du prix de la tonne de carbone conduit également à une progression des investissements. Les entreprises s’engagent dans des programmes d’électrification de leur flotte de véhicules ou l’adaptation de leur parc immobilier.
Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, les gouvernements ont décidé d’augmenter les dépenses d’investissement afin de lutter contre le réchauffement climatique et pour améliorer la compétitivité de leur pays. Le plan de 1 900 milliards de dollars aux États-Unis présenté par Joe Biden vise à mettre à niveau les grandes infrastructures américaines. Il en est de même pour le plan européen de 750 milliards d’euros, complété par les plans des différents États membres de l’Union en vue de relancer massivement l’investissement public dans les trois prochaines années.
Cette augmentation de l’investissement est censée permettre d’importants gains de productivité et une élévation de la croissance potentielle. Celle-ci avait tendance à être inférieure à 1 % en Europe avant le déclenchement de l’épidémie et de se rapprocher de 1,5 % aux États-Unis. Afin de financer les dépenses sociales, notamment celles liées à la santé, la retraite et la dépendance, un taux de croissance potentielle de 2 % serait souhaitable. La progression rapide de l’investissement suppose également celle du taux d’emploi. Les pays avancés risquent d’être confrontés à des pénuries d’emplois dans les prochains mois. Certains secteurs sont déjà à la peine pour recruter faute de candidats disponibles ou formés. L’amélioration du taux d’emploi est incontournable pour pérenniser le retour de la croissance. Le recours à la robotisation et à la digitalisation pourra pallier le manque de personnel, mais ne sera pas suffisant au regard des besoins, tant dans les services, que dans l’industrie en cas de relocalisation de certaines activités.