LE POINT ECO – La question de l’aide de l’Union européenne aux États membres en proie à la crise est sur le devant de la scène depuis le début du mois d’avril. De manière assez traditionnelle, le couple franco-allemand a présenté le 18 mai un plan qui devra être avalisé par les 25 autres membres de l’Union. Angela Merkel et Emmanuel Macron ont annoncé la création dans le cadre du budget européen d’un fond de relance doté de 500 milliards d’euros qui sera destiné à « soutenir les pays et les secteurs les plus touchés » Cette enveloppe s’ajoute aux 540 milliards d’euros de prêts à l’économie (essentiellement via le biais du Mécanisme européen de stabilité et de la Banque européenne d’investissement) qui avaient déjà été présentés le 9 avril dernier.
Le plan franco-allemand prévoit une forme de mutualisation des dettes tout en évitant la création d’eurobonds source de division entre les États d’Europe du Nord et les États d’Europe du Sud. La Commission émettra donc des obligations sur les marchés financiers via le « EFSM » (Mécanisme européen de stabilisation financière). Les sommes ainsi collectées seront redistribuées par l’intermédiaire du budget européen aux secteurs économiques (notamment transport aérien, tourisme, santé, etc.) et aux pays en difficulté (Italie et Espagne notamment). À travers cet accord, Angela Merkel a évité la création d’obligations européennes et d’un fonds d’investissement spécifique, et Emmanuel Macron a obtenu un dispositif de mutualisation de l’aide. Le plan contourne, par ailleurs, habilement l’interdiction pour la Commission européenne de s’endetter. En effet, il prévoit que « chaque pays se porte effectivement garant de cet emprunt à hauteur de son poids dans l’économie européenne, mais il n’y a pas de garanties conjointes. » Si l’un des membres se retrouve dans l’incapacité de rembourser ses dettes alors, les autres ne seront pas obligés de pallier. En cas de défaut, l’Union européenne sera en revanche contrainte d’en imputer le montant au sein de son budget.
De nombreux projets
Le mécanisme choisi est différent de celui de la politique monétaire de la BCE qui aboutit à une forme de solidarité indirecte. Le récent rappel à l’ordre de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe et l’idée selon laquelle la BCE ne pouvait pas indéfiniment poursuivre cette politique de monétisation des dettes a accéléré l’élaboration d’un plan de création d’un outil de solidarité budgétaire.
Le plan franco-allemand devra être accepté par les 25 autres États. Certains d’Europe du Nord emmenés par les Pays-Bas ont déjà émis des réserves. Au-delà des négociations complexes qui s’ouvrent, ce plan ne pourra certainement pas entrer en vigueur avant début 2021. D’ici là, les États membres devront s’entendre sur la clef de répartition des dépenses et les projets à financer. Entre la santé, l’environnement, l’éducation, l’emploi, le digital, les infrastructures, les projets ne risquent pas de manquer.
La nouveauté de ce plan est la possibilité pour la Commission européenne de s’endetter, mais l’aspect fédéral de cette mutualisation est légèrement atténué par la prise en garantie des sommes empruntés pour leur compte par les États membres. L’Allemagne et la France ont indiqué que ces dépenses devraient bénéficier aux États les plus en difficulté comme l’Espagne ou l’Italie ainsi qu’à des secteurs mis à rude épreuve avec la crise sanitaire. Si dans les faits, la répartition des 500 milliards d’euros n’a pas être effectuée au prorata des PIB des États membres, celle-ci devra néanmoins en tenir compte. L’Allemagne qui avait peur d’être engagée dans un financement sans limites des États dispendieux de l’Europe du Sud s’en tire bien. Ces derniers ont la garantie d’avoir accès à des crédits à des taux plus bas que ceux qu’ils connaissent à l’heure actuelle. La Commission européenne aura-t-elle la capacité à sélectionner les projets à financer ou la règle du saupoudrage traditionnel s’appliquera-t-elle ? La réalisation d’investissements structurants permettant d’améliorer la compétitivité de l’ensemble de l’Union européenne devrait être privilégiée. La création de voies ferrées dédiées au fret, la modernisation des ports comme celui du Havre, le développement des énergies renouvelables sont autant de domaines pouvant justifier un financement européen.