Depuis la sortie du confinement, la question de l’utilisation de la cagnotte des ménages est au cœur du débat. Dans tous les pays de l’OCDE, les aides publiques ont été massives compensant tout ou partie des pertes des revenus. Aux États-Unis, le revenu des Américains aurait même augmenté. En France, la perte est évaluée au maximum à 5 %. Dans ce contexte, le problème n’est donc pas la perte de revenu, mais son utilisation. Cette question vaut pour les épargnants, mais aussi pour les entreprises qui depuis plusieurs mois augmentent leur trésorerie.
Les déficits publics ont augmenté en quelques semaines dans des proportions sans précédent. Pour les pays de l’OCDE, les déficits sont passés de -2 à -14 % de la fin de l’année 2019 au mois de septembre 2020. L’effort budgétaire dépasse la contraction du PIB qui devrait se situer toujours pour les pays de l’OCDE entre -5 et -7 %.
Logiquement, en période de fort chômage et de baisses d’activité, les ménages sont contraints de puiser dans leur bas de laine pour compenser la diminution des revenus. Or, dans tous les pays avancés, le taux d’épargne augmente. Il est passé de 10 à 14 % en moyenne. En France, il s’élevait à la fin du deuxième trimestre à 27,4 % contre 15 % à la fin de l’année 2019. Les encaisses monétaires des ménages ont connu une croissance verticale. Elles atteignent 16 % du PIB, contre 6 % avant la crise. L’épargne subie durant le confinement s’est transformée en épargne de précaution. La multiplication des annonces anxiogènes et contradictoires en raison du manque de connaissances sur la maladie incite les ménages à maintenir un fort niveau de liquidités. Par leur comportement, les épargnants sont accusés à tort de freiner la reprise. L’épargne n’est pas en soi un problème. Elle est bien au contraire utile pour un pays surtout en cas de déficit budgétaire et de déficit de la balance des paiements courants. L’excès d’épargne peut financer un supplément d’investissement des États et des entreprises. Elle peut être un vecteur de la future croissance.
La reprise de l’investissement conditionne celle de l’économie
La question centrale n’est donc pas le comportement des ménages, mais plutôt le niveau de l’investissement public et privé. Les plans de relance engagés par les États sont censés favoriser l’investissement. Pour le moment, les entreprises ont eu tendance à augmenter leur trésorerie afin de pouvoir passer le cap de la crise. Certaines ont opportunément utilisé les dispositifs mis en œuvre par les États. La croissance des crédits aux entreprises est en forte hausse au sein de tous les pays occidentaux, +8 % en moyenne depuis le mois de juin. Pour le moment, en raison de l’absence de visibilité sur le front sanitaire, les entreprises investissent peu. Le taux de croissance est toujours au sein de l’OCDE nul quand il s’élevait à 4 % avant la crise. L’encours d’actifs liquides et monétaires des entreprises non financières atteignait à la fin de juin 21 % du PIB, contre 19 % avant la crise. Ce ratio était de 16 % en 2007. Les entreprises ont conservé de plus en plus de liquidités depuis la crise financière, et leur aversion aux risques a augmenté de manière parallèle à celle des ménages.
La reprise de l’investissement conditionne celle de l’économie. Sans investissement, la croissance potentielle s’affadira, rendant difficile le remboursement des dettes. Pour créer une impulsion, les pouvoirs publics pourraient favoriser la construction de logements d’autant plus qu’un déficit en la matière existe au sein de nombreux pays de l’OCDE. Ce dernier contribue à l’augmentation des dépenses de logement en particulier pour les jeunes actifs. Un desserrement des contraintes pesant sur le foncier serait nécessaire. Les gouvernements doivent veiller à ce que les aides publiques ne soient pas trop accaparées par des entreprises dites « zombies » dans l’incapacité d’investir en raison de leur fragilité.