À la fin du second semestre 2021, le patrimoine des ménages atteignait plus de 15 000 milliards d’euros. Les actifs non financiers représentaient plus de 9 095 milliards d’euros dont 91 % sont des biens immobiliers (constructions et terrains bâtis). Le patrimoine financier brut des ménages s’élevait, de son côté, à 5 870 milliards d’euros. Il est composé de produits de taux à hauteur 3 689 milliards d’euros. En 2017, Emmanuel Macron avait fait de la réorientation de l’épargne des Français un de ses objectifs.
À cette fin, la fiscalité a été profondément remaniée avec la suppression de l’ISF pour les produits financiers, l’instauration du Prélèvement Forfaitaire Unique et la création du Plan d’Épargne Retraite. Cinq années après, si les comportements des ménages n’ont pas radicalement changé, une inflexion est néanmoins constatée. Au-delà des questions réglementaires, elle est la conséquence de la baisse des taux et de la bonne tenue des marchés « actions ».
Des placements liquides, mais des signaux faibles en faveur des actions
Avec la crise sanitaire, les ménages ont opté pour des placements de court terme, liquides et sûrs comme les comptes courants, les livrets ou les fonds euros de l’assurance vie. Depuis le mois de mars 2020, l’encours des Livrets A a augmenté de plus de 40 milliards d’euros, celui des dépôts à vie de 80 milliards d’euros. Néanmoins, à la différence des crises précédentes, il n’y a pas eu de retrait massif des produits à risque comme les actions ou les unités de compte. Depuis la pandémie, une progression des investisseurs actifs a été enregistrée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Leur nombre par trimestre qui évoluait autour de 1 million jusqu’au troisième trimestre 2019, a atteint les 2,5 millions et se maintient au-dessus de ce niveau depuis trois trimestres. En trois ans, l’âge moyen des investisseurs particuliers a reculé de 8 ans pour s’établir au-dessous de 50 ans. En 2021, 14 % des personnes détenant des actions déclarent en avoir acheté pour la première fois puis un an. Ce ratio s’élève à 23 % chez les femmes et à 29 % chez les 18-24 ans.
Le baromètre AMF de 2021 sur l’épargne et l’investissement souligne une perception plus positive de l’investissement en bourse et un regain d’intérêt pour les placements en actions, dans un contexte de taux bas et de progression des indices boursiers. Pour la première fois en cinq ans, la proportion des Français refusant « tout risque sur leurs placements tout en sachant que la rémunération restera faible » passe sous le seuil des 50 % et tombe à 43 % (en recul de 7 points en un an). Chez les moins de 35 ans, cette proportion est encore plus faible et s’élève à 36 %. La prise de risque est de plus en plus acceptée afin d’obtenir une meilleure rémunération, 39 % des Français contre 34 % les quatre années précédentes. La proportion atteint 42 % chez les moins de 35 ans. Les Français considérant que les placements en actions « ne rapportent rien au final » ne sont plus que 20 % contre 30 % en 2017. 35 % des Français déclarent avoir l’intention de placer en actions à plus ou moins long terme, contre 28 % en 2019. La proportion s’élève à 49 % chez les moins de 35 ans et même à 58 % chez les moins de 25 ans.
La grande partie de l’épargne des ménages en produits de taux
Si le comportement des épargnants change à la marge, la majeure partie du stock demeure placée en produits sans risques, soit près des deux tiers. Les Français privilégient toujours l’épargne de court terme malgré un système de protection sociale développé. De crise en crise, le poids de cette épargne de précaution augmente. Les Français figurent parmi les épargnants les plus assidus de l’Union européenne. Le taux d’épargne a dépassé 21 % en 2020 avant de revenir à 17 % à la fin de 2021. Il devrait retrouver son niveau tendanciel d’avant-crise en 2022, autour de 15 % du revenu disponible brut. Le taux d’épargne en France est, en moyenne, supérieur de deux à trois points à celui de la zone euro (hors France) quand les dépenses sociales de nature publique le sont de quatre points de PIB (dépenses de retraite, de santé, de logement, d’emploi et en faveur de la famille).
Cette préférence pour la liquidité a pour conséquence une moindre disponibilité de l’épargne pour financer les projets risqués. Au sein de l’OCDE, les États dont l’épargne est investie en produits de court terme enregistrent un retard en ce qui concerne les investissements dans les nouvelles technologies et dans la robotisation. Si le capital-risque se développe en France, il demeure de petite taille en comparaison de celui des États-Unis ou du Royaume-Uni.
Pour demeurer liquides et solvables, les intermédiaires financiers (banques, assureurs) doivent, de ce fait, avoir des passifs sans risque (dépôts, contrats d’assurance-vie) important. Ils ont été ainsi contraints d’augmenter en permanence leurs fonds propres. Ces derniers sont passés de 20 à 34 % du PIB de 2001 à 2021. Ces fonds propres doivent être rémunérés, ce qui occasionne des coûts d’intermédiation financière élevés. Le financement par crédits constitue un facteur de fragilité pour les entreprises françaises. En cas de retournement de conjoncture, celles-ci peuvent être asphyxiées par le remboursement des emprunts dont l’encours était, au mois de novembre 2021, de 1 230 milliards d’euros.
La réorientation de l’épargne vers des placements « actions » constitue donc une nécessité. Le Plan d’Épargne Retraite y concourt. Près de la moitié de l’encours des Plans d’Épargne Retraite individuels assurance sont en unités de compte quand ce ratio était de 25 % pour les Plans d’Épargne Retraite Populaire. Avec la Banque Publique d’Investissement, l’État s’engage de plus en plus dans le financement des entreprises en prenant des participations au sein des entreprises françaises. Des experts souhaitent que les ménages puissent accéder à des produits de marché dont le capital serait peu ou prou garanti par l’État. Le risque serait ainsi transféré des particuliers vers la puissance publique. Le contribuable pourrait être amené à financer les pertes des épargnants. Cette confusion des rôles n’est certainement pas souhaitable. L’État, en jouant un rôle d’assureur en dernier recours, générerait un aléa de moralité, les épargnants perdant tout intérêt à analyser le risque des projets. Il serait donc préférable d’inciter les ménages à prendre davantage de risques par des incitations fiscales centrées sur les produits longs et non, comme aujourd’hui, réparties sur toutes les catégories d’actifs financiers.