Depuis des années, l’Italie est considérée comme un des maillons faibles de la zone euro en raison du poids de sa dette et de sa faible croissance. Cette situation se matérialise par des écarts de taux de deux points pour les obligations d’État (10 ans) avec l’Allemagne. Pour autant, l’Italie a consenti de réels efforts de maîtrise de ses dépenses publiques. Avant la pandémie, elle dégageait un excédent primaire (avant paiement des intérêts de la dette), ce qui n’est pas le cas de la France. Sa balance commerciale a été nettement positive de 2015 à 2021 quand la France a accumulé de déficits croissants. Le poids du secteur industriel est bien plus important au-delà des Alpes qu’en-deçà.
Une croissance atone depuis plus de vingt ans
Depuis son entrée dans la zone euro, en 1999, l’Italie a une croissance économique atone, le PIB par habitant étant, en 2022, plus faible que celui d’il y a vingt ans. De 1999 à 2022, le PIB de l’Espagne a progressé de 50 %, celui de la France de 35 %, celui de l’Allemagne de 32 % quand celui de l’Italie n’a augmenté que de 10 %.
L’Italie a commencé à enregistrer de sérieux problèmes économiques avant son entrée dans l’euro. Les deux chocs pétroliers et l’instabilité politique chronique sur fond de scandales, de règlements de comptes plus ou moins mafieux et de terrorisme d’extrême-gauche, ont miné la compétitivité de la péninsule italienne. Cette dernière s’est construit, par ailleurs, sur une série de dévaluations qui permettaient de corriger le caractère inflationniste de l’économie. Dans les années 1990, avant la création de la monnaie unique, la lire italienne s’était dépréciée de 20 % par rapport au mark. Dépendant économiquement de l’Allemagne, l’Italie a perdu en compétitivité extérieure. Elle a, par ailleurs, subi le fait que son voisin germanique, avec la chute du Mur de Berlin, s’est tourné vers les États d’Europe de l’Est aux coûts plus faibles pour la sous-traitance.
Le poids élevé des dépenses publiques et des prélèvements
Compte tenu de la dérive de ses dépenses publiques en lien avec l’instabilité gouvernementale, l’Italie a connu une forte augmentation de ses prélèvements obligatoires, caractéristique qu’elle partage avec la France. La pression fiscale en Italie était en 2021 de 43 % du PIB (45 % pour la France), contre 35 % en 1990. En 1999, l’Italie n’a pas réellement contenu ses dépenses publiques. Son intégration est poussée par la France qui a souhaité disposer d’un allié face à l’Allemagne et aux États d’Europe du Nord.
Une administration insuffisamment productive
L’Italie souffre par ailleurs de l’inefficacité de l’appareil administratif. Le ratio entre les dépenses publiques hors masse salariale des fonctionnaires et le nombre de fonctionnaires y est relativement faible. La France se situe néanmoins derrière l’Italie en la matière. Les dépenses publiques par fonctionnaire atteignent 200 millions d’euros en France, contre 250 millions en Italie et 300 millions en Allemagne.
Une démographie hautement pénalisante
L’Italie est le pays de la zone euro qui connaît le plus fort vieillissement de sa population. La proportion des personnes en âge de travailler y est stable depuis 1999 quand elle a progressé de 10 % en Allemagne, de 17 % en France et de 40 % en Espagne. Dans les prochaines années, la population active italienne devrait diminuer fortement d’autant plus que les autorités sont hostiles à toute immigration.
L’investissement italien en recul
L’investissement des entreprises en Italie est faible. En vingt-trois ans, il a augmenté de 20 %, contre +40 % en Allemagne et +70 % en France. Cette faiblesse de l’investissement des entreprises italiennes peut être reliée à celle de leur profitabilité. Les profits après taxes, intérêts et dividendes représentent 10 % du PIB en Italie, 12 % en France et 14 % en Allemagne comme en Espagne. Cette faible profitabilité, liée à des coûts salariaux et des impôts élevés, handicape les entreprises italiennes pour investir. La faiblesse de l’investissement des entreprises restreint les capacités de production. En 2010, au moment où l’Allemagne arrête de financer les déficits extérieurs des pays périphériques, l’Italie est confrontée à une crise de financement extérieur qui impose une contraction de sa demande intérieure. Celle-ci est nécessaire pour résorber son déficit extérieur. Le résultat sera réel, mais au prix de l’appauvrissement des Italiens. Ce scénario pourrait s’appliquer prochainement à la France au vu de l’importance de son déficit commercial, malgré la compensation assurée par le solde positif des services. La balance commerciale italienne était déficitaire de près de 4 points de PIB en 2011. En réduisant la demande intérieure de 15 % de 2011 à 2015, le solde commercial est devenu positif à hauteur de 2 points de PIB. Il a même atteint 4 points de PIB en 2019 avant de revenir à l’équilibre en 2022.
Un système éducatif peu performant
L’Italie est handicapée par la faible qualité du système éducatif, problème qu’elle partage également avec la France. Ces deux pays figurent parmi les derniers grands pays occidentaux au sein des classements PISA et PIAAC. La faiblesse de l’effort de recherche constitue un autre point noir de l’économie transalpine. Les dépenses en R&D s’élevaient, en 2021, à 1,5 % du PIB, contre 2,3 % en France et 3,1 % en Allemagne.
Le cercle vicieux de l’endettement
La croissance potentielle de l’Italie est entravée par une population active stagnante voire en déclin, par un faible niveau de la productivité privée et publique, par un déficit d’investissement et par une demande intérieure contrainte pour permettre un excédent commercial. Cette absence de potentiel de croissance entraîne une prime de risque ajoutée aux taux d’intérêt de la part des investisseurs. Cette prime de risque renchérit le coût de la dette, limitant d’autant les possibilités d’investissement des pouvoirs publics. L’absence de croissance contribue à la montée de la dette publique qui représente 150 % du PIB, dette qui est, après celle de la Grèce, la plus importante de la zone euro. Elle devance celles de l’Espagne (118 %) et de la France (115 %).
L’Europe bouc émissaire et soutien de l’Italie
L’Italie ne peut pas accuser la zone euro de tous les maux. Le vieillissement de la population active, la faiblesse du système éducatif, l’effort réduit de recherche, l’inefficacité du système administratif sont des problèmes qui relèvent de l’Italie et non de l’Europe. Si cette dernière a imposé à l’Italie un assainissement budgétaire, elle n’a pas appliqué de sanctions financières contrairement à ce qui était prévu dans les traités. L’Italie a, par ailleurs, bénéficié à plusieurs reprises du soutien de la BCE et des institutions européennes pour faire face à ces problèmes budgétaires. L’Italie est le pays qui reçoit le plus de crédits du plan « Next Generation » mis en place après la pandémie. Si durant les campagnes électorales, la Commission de Bruxelles est vouée aux gémonies, elle fait l’objet de moins de critiques après.
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