Depuis vingt ans, au sein des pays avancés, le partage des revenus s’effectue au détriment des salariés. Ce phénomène conduit à une montée des inégalités. Plusieurs pays d’Europe continentale se distinguent avec un partage qui reste a priori favorable aux salariés. Sont concernées notamment la France, l’Italie et, dans une moindre mesure, l’Allemagne qui se différencient des États-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon.
Entre 1998 et 2019, le salaire réel par tête a augmenté en dollars constants aux États-Unis de 20 % quand la productivité par tête s’est accrue de 50 %. En France, les ratios respectifs sont de 15 et 20 %. En Italie, la productivité a baissé de 10 points quand les salaires ont augmenté de 5 points. En Allemagne, si la productivité progressait plus vite que les salaires jusqu’en 2011, ce n’est plus le cas depuis 2012. Ainsi, sur la période 1998/2019, les salaires ont augmenté de 17 points contre 15 points pour la productivité. Lors de ces vingt dernières années, l’Italie et la France ont été les deux pays européens dont les entreprises n’ont pas mené de réelles politiques d’austérité salariale.
Taux de marge faible
Ce choix a eu comme conséquence un déséquilibre important de la balance commerciale en lien avec un rapide processus de désindustrialisation. L’Italie a enregistré une baisse de 20 % de sa production industrielle en vingt ans. La part des exportations françaises dans les exportations de produits manufacturés de la zone euro est passée sur la même période de 17 % à 12 %. Le taux de chômage de ces deux pays a été constamment supérieur à celui des autres pays de l’OCDE. Ce qu’ils ont gagné en termes de demande en raison d’une politique salariale plus dynamique, ils l’on perdu par un taux d’emploi plus faible. En outre, l’investissement a été plus faible en Italie et en France que dans les autres pays où les profits ont augmenté au-delà des besoins de financement des entreprises, amenant à un excès d’épargne. Le taux d’autofinancement est passé au-dessus de 100 % au sein des pays de l’OCDE, hors France et Italie. Pour ces deux pays, les entreprises ont été contraintes de s’endetter, ne pouvant pas compter sur un volant suffisant de bénéfices. Le taux de marge des entreprises françaises comme italiennes demeure faible empêchant leur montée en gamme.
Si le partage de la valeur ajoutée pratiquée en France et en Italie peut apparaître plus responsable, il apparaît qu’il a nui à la compétitivité de ces deux pays. Si depuis quelques années l’Allemagne a modifié sa politique en mettant l’accent sur les augmentations de salaire, elle a pratiqué une politique d’austérité marquée de 2003 à 2016, épaulée, en outre, par une forte maîtrise des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires.
Points négatifs
Les populations française et italienne ne savent pas gré à leurs gouvernements et aux dirigeants d’entreprises d’avoir opté pour une politique de partage de la valeur ajoutée qui leur était favorable. Les points négatifs de cette politique, hausse du chômage, prélèvements obligatoires élevés, faible croissance, sont durement ressentis. En outre, la hausse des prix de l’immobilier a plus que compensé l’augmentation des salaires. Dans les faits, le niveau de vie des Italiens est aujourd’hui inférieur à celui de 1999 quand celui des Français n’est supérieur que de quelques points à celui de 2008.