L’hiver 2022/2023 n’a pas commencé que certains prédisent l’enfer pour l’Europe en 2023/2024. Jamais le catastrophisme ne s’est porté aussi bien. Les Européens ont pourtant réussi à remplir leurs réserves à plus de 90 %, leur garantissant au minimum trois mois de consommation de gaz sachant que, bien évidemment, les importations en provenance des États-Unis, du Qatar, d’Algérie ou de Norvège se poursuivent.
La solidarité européenne se traduit par des flux d’énergie par exemple entre la France et l’Allemagne, la première fournissant du gaz à la seconde qui lui délivre en contrepartie de l’électricité, le temps que ses centrales nucléaires soient de nouveau en état de fonctionnement. Le prix du gaz européen pour livraison en décembre est en baisse d’environ 33 % par rapport à la mi-septembre et de 50 % par rapport à ses sommets constatés au cœur de cet été. Les pessimistes mettent en avant que cette amélioration est éphémère. Les prévisions météorologiques annoncent un hiver froid conduisant à une consommation élevée d’énergie. Les météorologues permettent aux macro-économistes et aux pythies d’être moins seuls dans l’erreur en matière de prévisions.
Une réduction de 15% de notre consommation
Si pour la saison 2022/2023, les cuves de gaz ont été remplies à près de 50 % par les importations russes, importations qui ne devraient pas être possibles l’année prochaine, en revanche, d’ici l’automne 2023, les capacités d’accueil du gaz liquéfié seront plus importantes. La signature de nouveaux contrats permettra également une diversification de l’approvisionnement. La réduction de la consommation de l’énergie est pour le moment faible. Les boucliers tarifaires n’incitent pas les particuliers à limiter l’usage du gaz. En Italie, la consommation ne baisse pas, en Allemagne, elle aurait même augmenté au mois de septembre de près de 15 % par rapport à la moyenne des années 2018/2021.
L’objectif de réduction de la consommation d’énergie de 15 % en Europe apparaît néanmoins difficile à atteindre. Les États membres de l’Union européenne essaient, pour éviter des coupures d’électricité, d’accroître l’offre. L’Allemagne a ainsi prolongé la durée de vie de deux de ses centrales nucléaires du moins jusqu’en avril 2023. La France a fait de même avec une centrale au charbon. De manière plus surprenante, le gouvernement français s’oppose à un nouveau gazoduc entre l’Espagne et l’Allemagne, qui permettrait d’acheminer du gaz en provenance de l’Algérie ou du Qatar vers le reste du continent. Les autorités françaises mettent en avant les conséquences écologiques d’un tel projet. Cette opposition serait également motivée par des intérêts nationaux. Le gouvernement entend ainsi préserver le rôle de Fos-sur-Mer en tant que terminal de GNL. Il ne souhaite pas le développement de la filière gaz pour la production d’électricité, espérant que le pays redevienne à moyen terme exportateur avec la montée en puissance de la production nucléaire.
Souci environnemental
En Europe, les populations souhaitent tourner le dos à la production d’énergie carbonée. Ainsi, les Pays-Bas ont la faculté de compenser en partie de l’arrêt des importations de gaz russe. Ils disposent d’un champ gazier à Groningue qui pourrait, sans aucune nouvelle infrastructure, fournir environ la moitié du gaz que la Russie fournissait à l’Allemagne. La production est actuellement marginale, le champ devant même fermer d’ici 2024. Le gouvernement néerlandais ne souhaite pas inverser cette tendance étant donné l’opposition des propriétaires locaux. Ces derniers ont obtenu la fermeture en raison des nuisances générées par l’exploitation des gisements, le pompage du gaz déclenchant des mini-tremblements de terre. En France, une loi interdit la réalisation de recherche et l’exploitation de gisements par fragmentation. Le pays posséderait pourtant de plusieurs champs de gaz potentiellement importants.
L’Europe de l’énergie progresse grâce à l’interconnexion des réseaux électriques et à la mise en place de solidarités sur la gestion des réserves de gaz. Au-delà de ces coopérations, l’Union européenne gagnera en indépendance énergétique en facilitant le financement de nouvelles infrastructures de production d’énergies renouvelables ou nucléaires. Le plan de relance qui s’appuie sur un emprunt de nature fédéral pourrait être prolongé pour alléger le poids des dépenses nécessaires pour garantir cette indépendance et accélérer la transition énergétique.
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