Comme les autres pays de l’Union européenne, la France est confrontée à un retard non négligeable dans plusieurs secteurs de pointe dont ceux de l’électronique, de l’informatique, les techniques de l’information et de la communication, de l’espace, des énergies renouvelables et du médicament. L’écart avec les États-Unis, la Chine, la Corée du Sud et le Japon s’est accru ces dernières années. Il est la conséquence d’un déficit d’innovations, d’un manque de capitaux, d’une émigration des chercheurs, d’un faible nombre de diplômés dans les matières scientifiques et d’une insuffisance des compétences.
Pour remédier à ce problème, la France peut compter sur quelques grands groupes de taille internationale et sur le maintien de certains pôles d’excellence notamment dans l’aéronautique. Si la « start-up nation » imaginée par Emmanuel Macron demeure un projet à bâtir, la France peut s’enorgueillir d’être l’un des pays les plus dynamiques en matière de création d’entreprises.
Beaucoup de créations, mais pas de GAFAM
Avec 0,93 création d’entreprises pour 100 habitants, la France est en pointe sur ce sujet ; elle devance nettement le Royaume-Uni (0,57), l’Allemagne (0,37) ou les États-Unis (0,33). Le succès du statut de micro-entrepreneur explique, en partie, ce résultat. Plus de la moitié des créations dépend de ce statut. Dans son rapport annuel sur les entreprises publié au mois de décembre, l’INSEE souligne que la France compte un million de start-ups, mais seulement 12 854 sont dites innovantes, 5 758 ont levé des fonds et 1 583 sont considérées comme des gazelles (entreprises ayant au moins 10 salariés en 2015 et moins de 8 ans en 2018, et ayant connu une croissance annuelle de chiffre d’affaires de moins de 20 % sur la période 2015-2018). Les start-ups françaises éprouvent des difficultés à grandir et à s’imposer à l’international. Elles ne réalisent que 6 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation. La France ne possède qu’une vingtaine de licornes qui sont des entreprises récentes innovantes à fort potentiel et dont la capitalisation dépasse un milliard d’euros. Au sein de ce club, figurent notamment Sorare (e-commerce), Blablacar (transports), Deezer (logiciels), Doctolib ou encore OVH. Peu d’entreprises innovantes françaises dépassent 3 milliards d’euros de capitalisation.
Un retard dans la modernisation des entreprises
Parmi les grands pays de l’OCDE, la France est à la traîne en matière de robotisation et d’investissement dans le numérique. En 2020, pour 100 emplois dans le secteur manufacturier, la France comptait 1,5 robot, contre 3,5 pour le Japon et 2,5 pour les États-Unis ainsi que pour la zone euro (hors France). L’investissement dans les techniques de l’information et de la communication représentait 0,6 % du PIB, en 2020 en France, contre 1,4 % pour la zone euro (hors France) et 2,1 % aux États-Unis.
Le solde de la balance commerciale annualisée de l’électronique est passé de 0 à -30 milliards d’euros de 1998 à 2020. Pour la pharmacie, le solde positif a laissé place à un déficit.
Du manque de fonds propres à l’insuffisance de la recherche et des compétences
Parmi les principaux facteurs expliquant le retard pris par la France en matière d’innovation, l’insuffisance des fonds propres et des dépenses de recherche-développement est souvent mise en avant. Si le recours au private equity et le nombre de business Angels sont plus importants qu’en Allemagne, ils sont en nombre plus faible qu’au Royaume-Uni ou des États-Unis. Dans ce dernier pays, en 2019, 305 000 business Angels étaient répertoriés contre 9 000 au Royaume-Uni, 5 500 en France et 2 000 en Allemagne. Les levées de fonds en private equity ont atteint, en 2020, 1 747 milliards de dollars aux États-Unis, 130 au Royaume-Uni, 87 en France et 17 en Allemagne. L’aversion pour le risque est forte en France. Les ménages investissent leur épargne pour plus des deux tiers dans des produits de taux. Les règles prudentielles n’incitent pas également les investisseurs institutionnels (compagnies d’assurances par exemple) à investir dans des produits à risques.
En matière de dépôts de brevets triadiques, la France recule. Leur nombre pour 100 000 habitants est passé de 4,5 à 2,5 de 1998 à 2020. Au Japon, en 2020, ce ratio était de 14, en Suède de 7,5, de 5 en Corée ainsi qu’en Allemagne et de 4,5 aux États-Unis. Les dépenses publiques de R&D en France s’élevaient, en 2019, à 0,7 % du PIB, contre 0,9 % en Corée et 0,8 % aux États-Unis. Celles de R&D privées ont représenté, en 2019, 3,7 % du PIB en Corée, 2,5 % en Allemagne ainsi qu’aux États-Unis et 1,5 % en France. La R&D est en recul en France en raison de l’insuffisance du nombre de chercheurs, et du faible nombre de jeunes diplômés dans les matières scientifiques. Le nombre de chercheurs pour 100 habitants est de 0,55 pour le Japon ainsi que pour l’Allemagne, de 0,50 pour les États-Unis et de 0,45 pour la France. De plus en plus de chercheurs français s’expatrient tant pour des questions de rémunération que pour des questions de moyens mis à disposition.
Face à ce constat, au nom de la souveraineté nationale, l’État est appelé à financer les secteurs de pointe au risque de se tromper de bataille. Il est difficile de revenir dans la course, une fois le peloton passé. Il serait sans nul doute plus utile de travailler à la montée en compétence des actifs en améliorant le niveau des jeunes et en jouant sur la formation continue. L’objectif des pouvoirs publics serait de faciliter l’émergence des prochains secteurs à fort potentiel (par exemple ordinateurs quantiques, hydrogène, décarbonation industrielle, blockchain, etc.).