Trois mois après le début du confinement qui a mis à l’arrêt l’économie française, l’INSEE a établi un nouvel état des lieux qui permet, en outre, d’avoir une première vue sur les conditions de la reprise. Les premiers résultats sont plutôt optimistes, témoignant d’une réelle reprise de l’activité après deux mois d’arrêt brutal.
Un deuxième trimestre mauvais, mais moins que prévu
L’INSEE a affiné sa prévision pour l’évolution du PIB au cours du deuxième trimestre. Le recul du PIB serait de -17 % quand, fin mai, l’organisme statistique prévoyait -20 %. Cette contraction fait suite à celle du premier trimestre qui avait atteint -5,3 %. Selon les derniers indicateurs disponibles, la perte d’activité économique par rapport à une situation « normale » aurait été de -29 % en avril, puis de -22 % en mai, et se limiterait à -12 % en juin.
Dès la sortie du confinement intervenue le 11 mai dernier, le rebond a été particulièrement marqué. La perte d’activité est ainsi rapidement passée de -31 % en avril à -7 % fin mai. La perte de consommation par rapport à la normale se limiterait, selon l’INSEE, à -5 % en juin.
La reprise a été facilitée par les dispositifs de soutien à l’activité mis en place par le Gouvernement (chômage partiel, fonds de solidarité pour les TPE, indépendants et micro-entrepreneurs, PGE, etc.).
La situation économique diffère en fonction des secteurs. Certains comme le tourisme et le transport aérien restent particulièrement touchés par la crise en raison des restrictions de circulation qui demeurent au niveau international. Les protocoles de sécurité sanitaire pèsent sur la productivité du travail même si cela reste encore à vérifier. Plusieurs interrogations demeurent en particulier pour l’investissement des entreprises et des ménages ainsi que pour le commerce extérieur. Par attentisme et par précaution, les ménages ne devraient pas immédiatement dégonfler leur poche d’épargne contrainte constituée durant le confinement. La peur du chômage devrait les inciter à maintenir un fort volant de liquidités.
Le rebond confirmé de l’offre
Pour le mois de juin, l’activité économique continuerait à se reprendre avec une perte limitée à -12 % par rapport à une situation « normale », après -22 % en mai.
Le secteur de la construction qui avait été fortement touché poursuit son redémarrage. La perte d’activité économique aurait notamment été divisée par presque deux dans la construction par rapport à mai (-34 % contre -55 % en mai). Dans l’industrie, la perte d’activité ne serait plus que de -15 % contre un quart au mois de mai. La production industrielle doit faire face à une demande internationale toujours en berne, des stocks importants à écouler et des goulots d’approvisionnement. Par ailleurs, les mesures de distanciation sociale entravent les capacités de production Dans les services marchands, la perte d’activité économique se situerait globalement au même niveau que dans l’industrie. Si des fermetures et limitations d’activité ont affecté les services jusqu’à la mi-juin, en particulier dans la région parisienne, l’assouplissement réglementaire annoncé le 14 juin pourrait entraîner une remontée, plus rapide que durant le mois écoulé.
La consommation des ménages au rendez-vous
Après la prise des dernières données disponibles, l’INSEE estime que la perte de consommation du mois d’avril a été de -31 % par rapport à son niveau en situation normale. Pour le mois de mai, la coexistence d’une période de confinement (jusqu’au 10 mai) et de déconfinement (à partir du 11 mai) s’est traduite par une perte de consommation de -14 % en moyenne sur l’ensemble du mois. Pour le mois de juin, la perte serait de -5 %. De ce fait, sur l’ensemble du deuxième trimestre se situerait à -17 % en deçà du niveau correspondant à une situation normale d’activité.
L’évolution de la consommation diffère d’un secteur à un autre. Un mois après le déconfinement, le comportement des consommateurs se normalise. Malgré tout, les achats de biens d’équipement devraient se situer 5 points au-dessus de leur niveau normal avec en particulier un accroissement des achats de voiture. En revanche, avec la réouverture des cafés et des restaurants, ainsi qu’avec le retour du travail présentiel et la reprise de l’école, les dépenses des ménages en produits agroalimentaires perdraient de leur dynamisme.
La consommation de services principalement marchands serait en juin de 12 % inférieure à une situation normale d’activité. Après une forte reprise, certains services personnels aux ménages (blanchisserie ou coiffure) connaîtraient un recul au cours du mois de juin. Au contraire, pour d’autres services, la consommation poursuivrait son rattrapage, notamment dans la restauration. Dans les services principalement non marchands, la consommation continuerait à se redresser, à travers la reprise progressive des soins de ville et de l’enseignement marchand, sans retrouver encore le niveau d’une situation normale d’activité (-14 % de perte de consommation en juin).
Au niveau des dépenses des ménages pour leurs logements, la reprise des travaux de rénovation ferait progresser la consommation des ménages. Elle resterait malgré tout inférieure à son niveau normal de -34 %.
Des revenus en baisse pour les actifs
Au mois d’avril, la masse salariale brute des ménages aurait diminué d’environ -22 %. Cette chute s’expliquait par l’arrêt de nombreux CDD et de missions d’intérim ainsi que par l’utilisation massive des dispositifs de chômage partiel et d’arrêt maladie. La réduction du nombre d’heures supplémentaires a également pesé sur les revenus des ménages. L’augmentation des prestations sociales a en grande partie compensé cette baisse des revenus professionnels. Ainsi, le revenu disponible brut des ménages en avril n’aurait diminué que de 2,7 % par rapport à une situation “normale”. Les entrepreneurs individuels ont quant à eux vu leur activité et les revenus associés fortement affectés pendant le mois d’avril du fait de la propagation de l’épidémie et des mesures d’endiguement. Malgré la mise en place du fonds de solidarité pour les très petites entreprises (TPE), indépendants et micro-entrepreneurs, et les exonérations de cotisations, les manques à gagner sont conséquents.
Le niveau de vie les retraités qui bénéficient du versement automatique de leurs pensions, a fortement augmenté par rapport au reste de la population, soit plus de 5 points selon le Conseil d’Orientation des Retraites. Par unité de consommation, il est désormais supérieur de 10 % à celui de la moyenne de la population.
Une reprise globale au sein de l’OCDE
Avec le déconfinement, la reprise économique concerne tous les pays de la zone euro. Elle apparaît plus forte et plus rapide aux États-Unis. Tous les pays ne partaient pas sur la même ligne en fonction de la dureté du confinement et des modalités de sortie. Au mois d’avril, la production avait baissé de 24 % au Royaume-Uni en glissement annuel, de 30 % en Allemagne et de 34 % en France et en Espagne ; la production italienne avait diminué de son côté de près de 43 %.
Avec le mois de juin, le processus de déconfinement s’est accéléré dans tous les pays européens. La convergence des situations de déconfinement entre les différents pays européens se reflète dans la consommation d’électricité qui est un indicateur représentatif de l’activité globale des pays. Entre le 1er et le 9 juin, la consommation d’électricité en Espagne et en France n’était plus respectivement que de 10 % et 11 %, inférieure à son niveau de 2019 (contre 12 % et 13 % la dernière semaine de mai). Les consommations espagnole et française rejoignent donc progressivement celle de l’Allemagne (écart de 9 % par rapport à la normale) qui, depuis le début du confinement fin mars 2020, était très supérieure à la consommation d’électricité des autres pays européens. En moyenne entre le 1er avril et le 24 mai, la consommation d’électricité n’avait baissé que de 8 % en Allemagne par rapport à la même période en 2019, contre une perte de 15 % en France et au Royaume-Uni, de 17 % en Espagne et de 20 % en Italie. Le Royaume-Uni ayant opté plus tardivement pour des mesures de confinement, l’activité reprend plus progressivement qu’en France et en Allemagne. Début juin, la consommation d’électricité y est toujours inférieure d’environ 15 % à la normale, avec peu d’évolution par rapport au mois de mai. Aux États-Unis, en revanche, la reprise de l’activité semble plus marquée avec une consommation d’électricité qui a retrouvé ses niveaux habituels pour un mois de juin.
Un autre indicateur de l’activité globale est la concentration de dioxyde d’azote dans l’air, affectée par les activités de production, de transport routier et de chauffage des bâtiments. Le retour à la normale apparaît lent en France, en Espagne et en Italie. Au cours de la première semaine de juin, la baisse de cette concentration était de 32 % en France par rapport à la moyenne sur 2016-2019 (après une baisse de 35 % fin mai), de 34 % en Italie (après 38 %) et de 36 % en Espagne (après 44 %). En Allemagne, les émissions sont également en retrait de 32 %. Pour le Royaume-Uni, l’écart est de 40 %. Le lent redémarrage de l’industrie et le maintien du télétravail expliqueraient ces faibles émissions de CO2. En revanche, en Chine, à partir de fin avril et début mai, les émissions et la concentration de l’air en dioxyde d’azote ont dépassé leurs niveaux de la même date en 2019, et elles continuent de croître.
Les déplacements sont toujours en retrait par rapport à leur niveau normal. Selon l’indicateur Google Maps Mobility, la fréquentation des transports publics en France était inférieure de 37 % début juin à celle de la période de référence du 3 janvier au 6 février 2020, soit une hausse par rapport à mi-mai, où elle se trouvait inférieure de 43 %. En Italie et en Espagne, cette moindre fréquentation est de l’ordre de -40 %. Au Royaume-Uni, la baisse reste marquée (-56 %). Aux États-Unis, la fréquentation des transports publics augmente légèrement, restant néanmoins inférieure d’environ un tiers à son niveau habituel. Enfin, l’indice TomTom de congestion routière dans les principales villes européennes témoigne d’un retour de l’usage de la voiture. En Allemagne, cet indice traduit un retour à une situation quasi normale (-3 % par rapport à 2019 pour la première semaine de juin). En France, le rebond est net, avec un indice de congestion début juin inférieur de 13 % à celui de 2019, après une baisse près de -26 % mi-mai et de -61 % début mai. Le trafic routier est, en revanche, bas aux États-Unis, inférieur de 78 % à ses niveaux de 2019, ainsi qu’au Royaume-Uni, où l’indice de congestion est inférieur de 65 %.