Lundi 17 janvier, à Bruxelles, le ministre allemand des Finances, Christian Lindner a réclamé le retour de la discipline budgétaire mise en sommeil depuis le début de la pandémie. À l’inverse, plusieurs pays dont la France demandent un assouplissement des dites règles.
Le ministre allemand a indiqué que « le pacte de stabilité, qui limite les déficits publics à 3 % et la dette à 60 % du Produit intérieur brut (PIB), a prouvé sa flexibilité pendant la crise. Mais maintenant il est temps de reconstruire des marges de manœuvre budgétaires, c’est pourquoi je défends fortement une réduction de la dette souveraine ». En octobre la Commission européenne a lancé une consultation publique sur la réforme du pacte de stabilité, espérant aboutir cette année à un consensus parmi des États membres. Le ministre allemand a clarifié la position de son pays après le changement de coalition au pouvoir. Issu du parti libéral FDP, il a rappelé que le retour aux équilibres budgétaires était nécessaire. Il a ainsi déclaré : « je ne pense pas qu’on puisse de façon réaliste s’attendre à des changements fondamentaux sur les critères de dette et de déficit, pour lesquels il faudrait une modification des traités ».
S’il admet le besoin d’une relance des investissements, celle-ci ne doit pas s’opposer à la réduction de la dette publique et doit passer par un recours plus important aux capitaux privés. Si le Gouvernement français espère une modification substantielle des critères durant sa présidence, le ministre allemand semble vouloir temporiser. Le débat ne pourrait démarrer, selon lui, qu’en juin après la publication des propositions de la Commission sur le sujet. À Bruxelles, Bruno Le Maire a plaidé pour un pacte de croissance remplaçant le pacte purement budgétaire.
Plusieurs raisons expliquent la nécessité d’instaurer des règles budgétaires au sein de la zone euro
1 – La perte de soutenabilité de la dette publique est susceptible de générer des externalités négatives. Des États ayant des déficits élevés contribuent à la hausse des taux d’intérêt sur les titres exprimés en euros. Cette causalité ne se vérifie pas totalement. Depuis 2008, les taux varient assez fortement d’un État à un autre. Les écarts (spreads) reflètent la situation des finances publiques par rapport aux États les plus vertueux (Allemagne, Pays-Bas). Au moment de la crise des dettes publiques entre 2010 et 2012, les écarts de taux d’intérêt à 10 ans sur les emprunts d’État entre l’Espagne, l’Italie ou le Portugal avec l’Allemagne ont dépassé 5 points. Ils se sont réduits depuis à un point. Dans une zone monétaire, un État en situation de défaut potentiel reçoit l’appui des autres États membres comme cela a été organisé avec la Grèce. Les plans européens en faveur de ce dernier pays ont porté sur plus de 256 milliards d’euros entre 2010 et 2018. Au sein de la zone euro, une solidarité existe de fait. Pour éviter la multiplication des passagers clandestins, l’existence de normes budgétaires apparaît nécessaire.
2 – Un laisser-aller budgétaire d’un État membre peut mettre en cause la crédibilité de la monnaie et son taux de change. La nécessité pour la BCE de racheter les titres publics afin de garantir la solvabilité de certains États est contraire aux textes européens et fausse les règles de financement. Imposé par la Banque centrale européenne, le maintien de taux d’intérêt bas conduit également à une appréciation de la valeur de certains actifs dont notamment les logements.
3 – Une divergence en matière de déficits publics est de nature à générer des tensions au sein des opinions publiques, les ressortissants des États ayant des comptes publics équilibrés peuvent considérer être lésés par le laxisme budgétaire. Des Allemands et des Néerlandais accusent la Banque Centrale Européenne de pratiquer une politique monétaire en faveur des États d’Europe du Sud, conduisant à une faible rémunération de leur épargne. L’existence de déséquilibres au niveau européen peut contribuer à une mauvaise allocation de l’épargne. Des États dépensiers sont, en outre rarement des États efficients. Sans règle budgétaire, certains pays de la zone euro seraient susceptibles de ne jamais faire d’efforts de réduction de leur déficit public. Dans un contexte économique dégradé, avec une divergence des économies et des comptes publics, des attaques spéculatives comme cela a été constaté lors de la crise grecque pourraient se développer contre un État avec l’idée de tester la possibilité de sa sortie de la zone euro.
Faut-il sortir les investissements en faveur de la transition énergétique, de la formation, de la santé, de la défense ? Comment définir ces différents investissements et dans quelle limite la déduction pourrait-elle jouer ? Une dépense d’investissement n’est pas, en soi, rentable. Elle peut déboucher sur un gaspillage. Tous les États n’ayant pas les mêmes besoins, l’obtention d’un consensus ne sera pas facile à obtenir.