En février, la pandémie de coronavirus a frappé l’économie mondiale provoquant le plus grand choc depuis la Seconde Guerre mondiale. Au niveau mondial, 500 millions d’emplois ont disparu. Le commerce mondial a connu une chute historique avec la fermeture des usines et des frontières. L’implosion du système économique a été évitée grâce à l’intervention combinée des États et des banques centrales. La conséquence est l’expansion des déficits budgétaires à des niveaux proches de la guerre.
La crise a accéléré le déclin de l’occident. D’ici la fin de l’année prochaine, selon les prévisions de l’OCDE, l’économie américaine aura la même taille qu’en 2019, mais celle de la Chine sera 10 % plus grande. Les prévisions pour l’Europe sont sombres avec un effacement des effets de la crise au mieux pour 2024, un sort qu’elle pourrait partager avec le Japon. Les pays en voie de vieillissement sont les plus durement touchés tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique.
Le recul relatif des pays dits avancés peut s’accroître avec la deuxième vague. La Chine aurait pratiquement arrêté l’épidémie tandis que l’Europe, et peut-être bientôt l’Amérique, n’arrive pas à la maîtriser depuis la fin de l’été. Le Gouvernement français impose un couvre-feu à 20 millions de personnes résidant dans les principales métropoles. Madrid est également entré en verrouillage partiel quand l’Allemagne, elle-même, prend des mesures de plus en plus restrictives. Sur le plan économique, les pays avancés sont des pays de services, de contacts, de réunions, de loisirs. Ils sont donc bien plus exposés que les pays industriels où la distanciation est plus facile à organiser. Par ailleurs, dans les démocraties, les limitations de liberté sont plus difficiles à imposer qu’au sein des régimes dictatoriaux.
Le risque d’un cycle déflationniste et dépressif
L’Europe est plus touchée que le reste du monde en raison du rôle du tourisme au sein de son PIB. Elle l’est aussi en raison de ses divisions et de la faiblesse des mesures de relance adoptées depuis le mois de mars. Le plan de relance des États-Unis atteint 12 % du PIB, soit 5 à 7 points de plus que l’Europe. Les taux directeurs ont été abaissés de 1,5 point. Si le chômage a violemment augmenté aux États-Unis entre mars et, mai, la reprise y est depuis plus franche en Europe où le système économique est émolli. Néanmoins, aux États-Unis, le taux de pauvreté poursuit sa progression.
La pandémie laissera des traces avec des économies moins mondialisées, plus numérisées et moins égales. En réduisant les risques dans leurs chaînes d’approvisionnement, les fabricants rapprocheront la production des centres de consommation. Pour l’Union européenne, les pays d’Europe de l’Est devraient en profiter à la limite près que leur population diminue. L’Afrique du Nord pourrait bénéficier d’implantations de nouvelles activités sous réserve que la stabilité politique soit assurée. Cette crise pourrait accélérer le processus de concentration comme le souligne l’essor des entreprises des technologies de l’information et de la communication.
Du fait du problème structurel de la solvabilité des États, les taux d’intérêt réels resteront durablement bas, entraînant une hausse des prix des actifs élevés. Les gouvernements devront trouver les solutions pour éviter l’enclenchement d’un cycle déflationniste et dépressif.
La Chine semble sortir de la pandémie la plus forte du moins à court terme. Son économie a rebondi rapidement. Les dirigeants chinois continuent de travailler sur un nouveau plan quinquennal qui mettra l’accent sur le modèle de capitalisme d’État de haute technologie. Ce plan vise à garantir l’autosuffisance de la Chine et s’inscrit dans la volonté du Président de placer son pays au 1er rang mondial dans tous les domaines en 2049. La question qui est posée depuis des années est la capacité de la population chinoise à supporter un régime policier sur une longue période. Le recours au confucianisme associé au communisme et au nationalisme est l’arme utilisée par les autorités chinoises. Cela permet pour le moment d’empêcher l’émergence d’une contestation.
La fin du leadership américain ?
L’Europe demeure à la traîne. Le plan de relance commun nécessite encore d’être traduit en actes. La réponse à la pandémie risque d’y ossifier les économies plutôt que de les moderniser. Les mesures conservatoires gèlent la situation un temps, mais ralentissent l’adaptation. Dans ses cinq plus grandes économies, plus de 5 % de la main-d’œuvre reste sous régime de chômage partiel. En France, le couvre-feu devrait accroître un peu plus le recours au chômage partiel. En Grande-Bretagne, le taux atteint plus de 10 % fin septembre. De plus en plus, l’Europe ressemble à un village de Potemkine. Sur tout le continent, les règles de faillite sont suspendues avec le développement des prêts garantis par l’État. Le sauvetage des champions nationaux pourrait se révéler sur longue période très coûteux. La gestion des créances bancaires dans les prochaines années sera très compliquée. Leur transformation en fonds propres ou leur dépréciation seront au cœur des débats.
Les États-Unis ont failli en ne jouant pas leur rôle de première puissance économique mondiale et de gendarme du monde. Cet effacement est peut-être temporaire. Il peut néanmoins marquer une réelle rupture avec la fin du leadership américain, en particulier pour les pays européens qui vivaient dans l’ombre portée de leur allié. A l’image du comportement du Président Trump, la gestion de la crise sanitaire a été très alambiquée. Elle a été différente d’un État à un autre avec des résultats peu dignes du statut du pays, le côté « cow-boy » avec une acceptation des pertes l’a emporté sur le comportement hygiéniste du pays. Sur le plan économique, le bilan à fin septembre est moins sévère. L’État fédéral a fourni un filet de sécurité pour les chômeurs afin de maintenir la consommation. Il a permis au marché du travail de s’ajuster et s’est montrée moins enclin que l’Europe à renflouer les entreprises qui risquent de devenir obsolètes.