Dans le cadre de la campagne électorale présidentielle, de nombreux candidats ont proposé une hausse des salaires, en particulier des bas salaires. Dans une période de hausse des prix, après la crise sanitaire, le principe d’une revalorisation salariale peut apparaître légitime. Il convient néanmoins d’en apprécier les conséquences qui ne sont pas toutes en faveur, in fine, des bénéficiaires.
En France, 52 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros par mois. Ces derniers doivent faire face à une augmentation des prix réduisant leur pouvoir d’achat. Depuis plus de deux décennies, ils sont confrontés à la montée du coût des logements et plus globalement des dépenses préengagées. Pour les locataires du premier décile de revenus, les dépenses de logement absorbent près de 30 % de leurs revenus. Les dépenses préengagées sont passées en moyenne de 27 à 32 % de 2001 à 2017. Ce taux atteint 41 % pour les ménages les plus modestes (1er décile de revenus).
Une augmentation généralisée des prix ?
L’augmentation des bas salaires en France se transmet à l’ensemble des salaires du niveau élevé du SMIC et du grand nombre de salariés qui ont une rémunération voisine à ce dernier. En 2021, le salaire minimum représentait 62 % du salaire médian en France, contre 58 % au Royaume-Uni, 50 % en Allemagne et 30 % aux États-Unis (source OCDE).
Une hausse généralisée des salaires qui ne serait pas accompagnée de gains de productivité conduirait à une augmentation généralisée des prix. Elle contribuerait à la dégradation de la compétitivité-prix de l’ensemble de l’économie. Le déficit de la balance commerciale, déjà élevé, s’accroîtra fortement. Les effets négatifs d’une augmentation des salaires en France qui se caractérise déjà par un coût salarial élevé seraient importants. Les coûts salariaux représentent 62 % de la valeur ajoutée, contre 56 % au sein de la zone euro (hors France).
Le secteur tertiaire peut augmenter plus facilement ses prix. Depuis 2002, les prix des produits sont restés globalement stables grâce à d’importants gains de productivité quand ceux des services ont progressé de 50 %. Les services domestiques à faible valeur ajoutée pourraient poursuivre leur essor avec, toutefois, la limite de la pression à la baisse de la demande en raison de l’érosion du pouvoir d’achat des ménages. Malgré tout, la profitabilité des entreprises augmenterait dans les services par rapport à l’industrie, et le capital serait attiré dans les services au détriment de l’industrie dont le poids dans le PIB est désormais inférieur à 10 %. La tentation funeste serait alors d’opter pour un protectionnisme qui ne ferait qu’accroître les prix et le déclin industriel. Dans un contexte d’augmentation de leurs coûts, les entreprises pourraient être, par ailleurs, contraintes de réduire leurs investissements, ce qui alimenterait également la perte de compétitivité.
Une hausse généralisée des salaires peut être favorable aux salariés à condition qu’elle ne débouche pas sur une augmentation des prix, faute de quoi il y a baisse de la compétitivité. Pour contrecarrer les effets négatifs d’une progression des salaires, l’investissement doit s’accroître en parallèle permettant des gains de productivité. La hausse des salaires doit conduire à celle de l’offre de travail afin de soutenir la production potentielle.
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