Avec la crise sanitaire, les entreprises peuvent faire face à une baisse sensible de leur demande avec, par voie de conséquence, une diminution de leur chiffre d’affaires, à des problèmes d’accès à certains biens intermédiaires, ou bien encore à l’augmentation du prix des matières premières. Par ailleurs, la crise sanitaire accélère la digitalisation des activités, nécessitant l’engagement des dépenses d’investissement supplémentaires et un redéploiement du personnel s’accompagnant d’un accroissement de l’effort de formation.
Depuis le début de la crise sanitaire, les entreprises françaises se sont endettées. Le taux de croissance des crédits aux sociétés non financières progresse de plus de 10 % depuis un an contre 4 % avant crise. Cette augmentation de la dette est imputable à la souscription de prêts garantis par l’État et aux faibles taux. Cet accroissement est fragilisant en période de baisse de chiffre d’affaires d’où les appels en faveur du financement par le marché. Le renforcement des fonds propres sera difficile dans un pays où l’épargne « actions » est de petite taille. Les actions cotées et les unités des produits d’assurance vie et épargne retraite s’élèvent à 666 milliards d’euros.
Les entreprises françaises devront accroître leurs dépenses d’investissement afin de s’adapter à la nouvelle donne numérique et proposer de nouveaux produits ou services. Cet effort devra être mené malgré la baisse des profits. Ces derniers sont passés de 14 à 9 % du PIB de 2019 à 2020. Ils devraient s’élever à 11,5 % du PIB en 2021. La reprise de l’investissement est un des points-clefs de la pérennité de la reprise économique de l’après-épidémie. Avant 2020, le taux d’investissement peinait à retrouver le niveau atteint avant la crise des subprimes. La croissance annuelle se situait entre 2 et 3 % malgré des taux bas. Le recours au financement de marché sera d’autant plus nécessaire que les banques durcissent leurs conditions d’accès aux crédits. Selon l’enquête de la Banque de France (février 2021), les conditions de l’offre de crédits aux entreprises se sont durcies en début d’année pour atteindre un niveau inconnu depuis plus de dix ans.
Face à la succession de crises et face aux incertitudes de la politique économique, avec en ligne de mire la problématique environnementale, les entreprises organisent leur résilience en conservant des volumes croissants de liquidités. Les encours d’actifs liquides des entreprises non financières sont passés de 10 à 35 % du PIB de 2002 à 2020. Avant la crise sanitaire, ce ratio était de 30 %.
La crise sanitaire les incite par ailleurs à revoir en profondeur leur mode de production. Elles sont amenées à diversifier géographiquement leurs sources d’approvisionnement et leurs centres de production, à développer le télétravail avec en contrepartie une réduction du nombre de bureaux, ainsi qu’à augmenter la flexibilité de l’organisation. La remise en cause des chaînes de valeurs pourrait s’imposer aux entreprises. La dépendance à de multiples acteurs est une source de faiblesse en période chahutée. Ces changements pourraient grever les coûts, nécessitant des gains de productivité. Les entreprises devront réaliser de nombreux investissements exigeant également des fonds propres même si les entreprises ont la possibilité de puiser dans leur réserve de cash.
Les changements structurels liés à la digitalisation ou à la réorganisation des entreprises supposent un effort de formation important des salariés. En la matière, la France est en retard. Les dépenses de formation sont concentrées sur un nombre trop limité de salariés et elles sont avant tout réalisées par les grandes entreprises. Le niveau de formation des salariés français est inférieur à la moyenne de l’Union européenne.
Un changement d’état d’esprit chez les épargnants
Les épargnants, les actionnaires, les organisations non gouvernementales demandent de plus en plus aux entreprises de mener des politiques dites vertueuses sur le plan environnemental, social et de la gouvernance. Les entreprises qui opèrent dans les domaines du transport aérien, de l’énergie, de l’automobile ou des biens intermédiaires devront engager des efforts importants afin de conserver leurs actionnaires. Depuis trois ans, les cours boursiers des entreprises pétrolières sont orientés à la baisse, les contraignant à distribuer des dividendes de plus en plus élevés, ce qui freine leur modernisation.
Les entreprises sont soumises à la fois à des contraintes liées à la crise de la Covid (rééquilibrage des bilans avec émission de fonds propres, organisation de la résilience, maintien du fonctionnement des supply chains) et à des contraintes structurelles liées à la digitalisation, à la transition énergétique, ainsi qu’au vieillissement de la population active. La conciliation de ces objectifs contradictoires sera un exercice délicat pour de nombreuses entreprises.