Comment aider les TPE-PME à réaliser leur transition écologique ? Face à une nécessité qui remet totalement en cause le business model des entreprises, les TPE-PME semblent démunies. C’est la raison pour laquelle le CJD pousse un amendement visant à accompagner financièrement ces entreprises. Interview de Mélanie Berger-Tisserand et Thomas Bourghelle, respectivement présidente et vice-président du CJD.
Comment est née l’idée de cette proposition qui fera l’objet d’un amendement au projet de loi de finances 2023 ?
Thomas Bourghelle : Tout part d’une expérience. Un ami entrepreneur a voulu révolutionner son modèle, mais n’a pas pu obtenir de financement. On demande aux entrepreneurs de changer leurs pratiques, mais pour cela, ils doivent se débrouiller. Vous, TPE/PME, prenez le risque ! C’est profondément injuste. Or, pour que ces entreprises réussissent leur transition, ça se joue à pas grand-chose, à 200 000 ou 300 000 euros d’investissement en accompagnement. Les grandes entreprises quant à elles ne rencontrent pas ces difficultés. Elles ont l’argent nécessaire pour explorer d’autres voies. Les banques les financeront, car le risque de défaillance n’existe pas.
Mélanie Berger-Tisserand : Pour soutenir les entreprises pendant le COVID, l’État a créé le PGE. De même, des fonds colossaux ont été débloqués pour aider les entreprises face à la décision gouvernementale de stopper certaines activités.
Cela ne doit pas être perçu comme une subvention, un énième cadeau fait au patronat, mais comme une avance de trésorerie, un PPC (Prêt pour le Climat) qui a vocation à être remboursé, comme le PGE. L’État sait régler les problèmes dans l’urgence, mais n’arrive à pas à se projeter pour tenter de régler un problème à horizon plus lointain, mais autrement plus considérable. Ce problème du dérèglement climatique est connu depuis 1972 et le rapport Meadows.
Que contient cet amendement ?
MBT : Nous demandons l’affectation d’un milliard d’euros, remboursable, à l’accompagnement des TPE-PME. Ces fonds permettront à ces entreprises de s’engager dans un parcours à trois étapes. D’abord, la déformation, c’est-à-dire la profonde remise en cause du modèle de l’entreprise. Puis la reconstruction d’un nouveau modèle de fonctionnement. Enfin, l’accompagnement des équipes qui peuvent rester passives dans de tels contextes. Ce milliard d’euros sera donc investi prioritairement dans la formation et le conseil. Et peut-être investi aussi pour aider à financer la création de postes en interne chargés de manager cette transition.
TB : Il y a beaucoup de dispositifs qui existent déjà pour aider à la transformation. Il y a déjà des dispositifs pour remplacer des flottes de véhicules ou pour installer des panneaux photovoltaïques sur le toit des bâtiments. Ce sont des dispositifs très concrets et mesurables à court terme. Leurs résultats peuvent facilement s’afficher dans un PowerPoint et servir à se convaincre et convaincre les autres que l’on agit pour l’environnement. Tout cela, c’est très bien. Mais passer du diesel à l’électrique, c’est déplacer le problème et non le résoudre. La question de la mobilité n’a pas été évoquée. Le travail de fond reste à réaliser. C’est précisément ce travail que notre proposition d’amendement vise à rendre possible.
Pour cela, l’accompagnement que nous appelons de nos vœux sera réalisé par des chercheurs, des universitaires, des experts.
Vos objectifs ?
TB : Nous voulons faire basculer 10 % des TPE-PME françaises. Nous espérons qu’ensuite, par effet d’entraînement, d’autres basculeront dans le dispositif. C’est un plan d’envergure, ambitieux et réalisable, car beaucoup des outils existent déjà. La seule chose qui manque, c’est le financement. Ce dispositif pourrait être porté par un fond d’investissement ad hoc rassemblant de nombreux acteurs.
Quelles réactions cette proposition a-elle rencontrées ?
MBT : Nous l’avons présentée aux députés de tous horizons : Renaissance, PS et LFI. À chaque fois, l’idée a été bien accueillie et a donné lieu à des échanges constructifs. L’amendement est porté par le député PS Dominique Potier. Quoi qu’il arrive, nous continuerons à promouvoir cette idée.