Economie : l’Occident en plein brouillard

Les économies occidentales sont déstabilisées par une série de chocs qui imposent des adaptations qui par nature ne sont pas immédiates. Ces économies doivent gérer une déformation de la structure de la demande, une hausse rapide des coûts de production, des goulets d’étranglement voire des pénuries. Pour endiguer ces chocs, un effort d’investissement est indispensable pour notamment se défaire de la dépendance au pétrole ou au gaz russe. Ces investissements coûteux nécessitent du temps. Il en est de même pour la transition énergétique. La conjoncture économique est fortement altérée sachant que les réponses ne porteront leurs fruits que dans quelques mois voire quelques années.

En quelques mois, l’inflation est passée de 0 à 8 % au sein des pays de l’OCDE. Mal anticipée, les experts comme les gouvernements ont été surpris par sa force. Nul n’avait imaginé qu’après la crise sanitaire, une guerre en Europe tout aussi imprévisible provoque une augmentation des prix des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles. L’épidémie a provoqué des ruptures d’approvisionnement puis les plans de relance en accroissant brutalement la demande ont entraîné des pénuries, en particulier en ce qui concerne les microprocesseurs. Les économies occidentales sont déstabilisées par la conjonction des deux crises et le retour du principe de la rareté des ressources et plus globalement de l’ensemble des biens.

Double choc

La désorganisation des chaînes d’approvisionnement qui se prolonge notamment avec les confinements en Chine empêche la production industrielle de l’OCDE de revenir à son niveau d’avant crise sanitaire. Les entreprises rencontrent, par ailleurs, de graves problèmes de recrutement. Aux États-Unis, plus de 40 % d’entre elles sont confrontées à ce type de difficultés.

L’offre est mise sous pression, car elle a changé de nature depuis le début de la crise sanitaire. La demande en biens industriels a progressé de plus de 20 % au sein de l’OCDE. Les ménages consomment davantage de produits électroniques et de biens d’équipement des logements. La transition énergétique conduit les entreprises à investir dans de nouveaux équipements. De son côté, la demande des services n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant crise avec notamment une faiblesse durable du tourisme international. Cette tendance entraîne une hausse de la demande de matières premières, de transports, de semi-conducteurs plus rapide que la capacité d’ajustement de la production de ces biens et services, d’où la hausse violente des prix correspondants. Les prix des semi-conducteurs ont été multipliés par huit entre 2019 et 2021. Leur prix a depuis baissé tout en restant quatre fois supérieur à celui d’avant crise. Les prix des métaux précieux ont doublé quand ceux des produits agricoles ont connu une hausse de plus de 50 %. Le prix du fret a été multiplié par trois entre la fin de 2018 et le premier trimestre 2022.

La guerre en Ukraine a accentué le choc issu de la crise sanitaire en déstabilisant de nombreux marchés. La Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole (12,1 % de la production mondiale et le deuxième producteur de gaz [16,6 %]. Elle est à l’origine de la production de 43,8 % du palladium, de 16,4 % du titanium, de13, 4 % du platine, de 7 % du nickel et de 4,2 % du cuivre. Elle produit 25,6 % de l’huile de Tournesol et l’Ukraine 27,8 %. Deux pays réalisent de ce fait plus de la moitié de production de l’huile de tournesol. L’Ukraine est le premier exportateur d’huile de tournesol, le deuxième de colza, le troisième de noix et de miel, le quatrième de maïs, d’orge et de sorgo, et le cinquième exportateur de blé.

La nécessité de mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles

Les pays occidentaux doivent également gérer le défi de la transition énergétique en vertu de laquelle l’utilisation d’énergies fossiles doit être supprimée d’ici 2050. Cette mutation exige un besoin important d’investissement, une hausse de 4 points de PIB pour les prochaines années. Elle nécessite le recours à de nombreux métaux rares que produisent essentiellement la Russie et la Chine. Ces métaux devraient coûter de plus en plus cher. Par ailleurs, combinée à la guerre en Ukraine, la décarbonation expose les pays occidentaux à des pénuries d’énergie.

La suppression des émissions de CO2 constitue un défi. Par rapport au niveau de référence de 1990, les États de l’OCDE ne les ont réduites que de 15 % en trente-deux ans, sachant que le prix des métaux a été multiplié par cinq en deux ans.

Les économies occidentales sont contraintes de s’adapter en accroissant leur effort d’investissement et en recherchant une plus grande efficience énergétique. Le changement rapide de mix énergétique pourrait être une source de gains de productivité en remettant en cause des rentes de situation acquises au fil des décennies.


Crédit Photo : Ludvig Hedenborg – Pexels

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