Adrien Uguet se plaît à dire qu’il organise son « inutilité ». Un brin provocateur, ce dirigeant d’entreprise expérimente depuis 2014 des rendez-vous avec soi-même. Des temps fixés dans son agenda, hors de son entreprise, pour prendre du recul et travailler autrement. En quelques années les résultats sont là : un burn-out évité, une plus grande autonomie de ses salariés, une rentabilité constatée ainsi qu’une meilleure vision stratégique. Les RMM (Rendez-vous avec Moi-Même), un outil pour mieux diriger ?
Un contexte d’épuisement professionnel
Alors qu’il rachète entièrement l’entreprise familiale en 2012, Adrien se retrouve en état d’épuisement professionnel un an après. Happé par le quotidien, n’ayant pas le réflexe de déléguer, il se remémore le jour de sa saturation : « Je suis arrivé à mon bureau et j’ai 8 personnes qui m’ont sauté dessus en me demandant de gérer des urgences. Je me rappelle m’être dit : je vais arrêter, je n’y arrive pas, je ne suis pas fait pour ça ».
Le déclic en formation
Il décide de se former en gestion du temps, via son adhésion au CJD Léman, et découvre le rendez-vous avec soi-même (RMM). Le principe : mettre un rendez-vous dans son agenda, comme un rendez-vous client, avec soi-même et que l’on respecte. Le terme de « respect » le marque : « puisque sinon cela signifie que l’on ne se respecte pas ». Il prend conscience qu’être dirigeant n’implique pas de s’occuper uniquement de son entreprise et des collaborateurs à ses dépens.
Sortir de ses croyances limitantes
« Cela m’a pris 4 ans pour y arriver et cela ne s’est pas fait du jour au lendemain » précise-t-il. Il a commencé de façon irrégulière en se fixant un RV tous les mois, puis un toutes les trois semaines, jusqu’à réussir à dégager une journée par semaine. Quelle est la difficulté de fixer un RV dans son agenda ? Pour Adrien le plus gros problème c’est « la croyance limitante du dirigeant qui est de se dire si je ne suis pas au bureau je suis un mauvais patron ». Ces moments, dédiés à soi, sans interruption, lui permettent de travailler autrement : « Je me suis rendu compte des bienfaits réels que ça apportait : des retours positifs de mes salariés, un apaisement intérieur qui m’a rendu ma bonne humeur, plus de délégation et de confiance, une rentabilité améliorée… Maintenant j’y suis très attaché ».
Une pratique à l’origine du concept d’Urbanothérapie
« Nous avions une difficulté à expliquer notre métier qui regroupe des ingénieurs-conseils, des architectes paysagistes, des urbanistes et cartographes… », se remémore le dirigeant. Il s’interroge sur un nom décalé qui pourrait faire réagir ses clients. Il souhaitait se différencier en mettant en avant un état d’esprit tourné vers l’humain et le « confort d’usage ». Il donne l’exemple des passages piétons qui doivent tenir compte des malvoyants et de leurs pratiques pour ne pas positionner des potelets n’importe où. Il invente le terme d’urbanothérapeute pour indiquer clairement la volonté de l’entreprise de prendre soin des usagers via l’urbanisme.
Quelle finalité au RMM ?
Adrien organise le fait que l’entreprise puisse fonctionner sans lui, car « personne n’est à l’abri d’être malade ou d’un accident de vie, c’est une façon de m’assurer que chaque collaborateur soit capable de faire une partie de mon travail à sa façon ». Véritable outil de délégation dans son entreprise, les rendez-vous avec soi-même lui auront permis de retrouver du plaisir et il le recommande à ses salariés : « J’aime bien dire que je suis le jardinier humain de mon entreprise ». Et c’est tout ce que nous pouvons lui souhaiter.
Un outil pour avoir des idées – Le RMM ne doit pas être un moment où le dirigeant est devant son ordinateur à checker ses e-mails. C’est un moment dédié à soi et à son entreprise qui doit avoir lieu durant la journée sur des heures de travail normales : « Je ne pense pas qu’il y ait une seule personne qui puisse dire qu’il ait eu une super idée en restant assis à son bureau ». Adrien conseille d’être hors les murs, d’aller marcher, de prendre l’air dans un environnement calme et de noter toutes les idées qui viennent.
Julie-Céline Grobon
Crédit Photo : Andrea Piacquadio – Pexels